Pharmacocinétique des substituts du plasma ou solutés macromoléculaires de remplissage vasculaire
GÉLATINES
La pharmacocinétique des gélatines est mal connue, ces polypeptides étant difficiles à doser [29]. La petite taille des molécules explique la diffusion immédiate dans le secteur interstitiel. Une grande partie des molécules (87 %) est éliminée par voie urinaire dont 40 à 50 % en 6 heures avec une bonne proportion dans les 2 premières heures, et 60 à 70 % en 24 heures. Une plus faible fraction est catabolisée par des enzymes protéolytiques (trypsine, plasmine, cathepsine). À noter l’absence d’accumulation dans les organes 48 heures après la perfusion [29, 69].
DEXTRANS
Après perfusion de dextran, les molécules diffusent pour partie dans le secteur interstitiel.
Comme pour l’albumine, il existe un passage permanent de molécules de dextran du secteur intravasculaire vers le secteur interstitiel d’où elles reviennent par l’intermédiaire de la circulation lymphatique. La vitesse de fuite du dextran vers le milieu interstitiel est fonction de la taille des molécules, grande pour des PM inférieurs à 20 kDa et faible pour des PM supérieurs à 50 kDa [3]. De façon concomitante, une fraction importante des dextrans est éliminée par filtration rénale. La clairance rénale dépend elle aussi de la taille des molécules. Celles dont le PM est inférieur à 15 kDa ont une clairance identique à la clairance de la créatinine endogène ; celles dont le PM est supérieur à 60 kDa ont une clairance quasi nulle. Quand la filtration glomérulaire est inférieure à 10 mL.min–1, la demi-vie vasculaire du dextran 40 est cinq fois plus longue qu’en cas de filtration normale. Les molécules de dextran peuvent aussi être catabolisées (11 %) ou éliminées par voie digestive (2 à 10 % des dextrans 40 et 25 % des dextrans 70) ; le risque de stockage du dextran est, de ce fait, négligeable [3, 66, 69]. Le dextran 1 est totalement éliminé par filtration glomérulaire et sa demi-vie d’élimination est de 1,7 ± 0,6 heures. Il est présenté en ampoules de 20 mL contenant 3 g (15 %) [113].
HYDROXYÉTHYLAMIDON
L’HEA est dégradé par des alpha-amylases présentes dans le sérum et les tissus par rupture des liaisons glucosidiques 1,4.
Les liaisons glucosidiques 1,6 ne sont pas hydrolysées par les alpha-amylases. L’absence d’amylase dans le système enzymatique des macrophages conduit à un métabolisme des HEA sous l’action d’enzymes lysosomiales (maltases, isomaltases).
L’activité de l’alpha-amylase est aussi conditionnée par la position du groupement hydroxyéthyle sur les molécules de glucose en C2 et en C6.L’hydroxylation en C2 offre la plus grande résistance à la dégradation enzymatique.L’influence de la substitution en C6 est plus faible.Ainsi, le rapport C2/C6 semble conditionner la pharmacocinétique de l’HEA. Les molécules à TSM et C2/C6 élevés seraient éliminées en majorité dans le système réticuloendothélial (SRE) [34, 133]. L’élimination par voie rénale de l’HEA s’effectue sous forme de petites fractions d’HEA ayant un PM de 60 à 70 kDa [43, 145]. Pour schématiser la pharmacocinétique des HEA, deux processus plus ou moins simultanés peuvent être distingués ; d’une part le passage des petites molécules dans le secteur interstitiel d’environ 20 % de la quantité perfusée et leur filtration glomérulaire rapide, d’autre part la fragmentation progressive des grosses molécules (fig 8). Cette première phase aboutit à un rétrécissement du spectre des molécules avec la persistance dans le secteur vasculaire de molécules de tailles peu différentes de 72 kDa (fig 9). Il a été préconisé récemment de comparer les HEA en fonction de leur PMp après la métabolisation initiale ou « PMp in vivo » [139]. Ce dernier paramètre est essentiel pour apprécier la POC.
En effet, les molécules qui restent sont en quantité relativement importante et responsables d’une persistance de l’augmentation de la POC.
Ceci explique la prolongation de l’effet d’expansion volémique et parfois même, comme cela a été décrit de manière schématique, d’une augmentation secondaire vers la troisième heure de la POC et de l’expansion volémique.Dans un deuxième temps, les molécules continuent à être métabolisées, moins rapidement avec l’HEA 200/0,6 qu’avec l’HEA 200/0,5.
Il est cependant difficile, voire impossible, au-delà des premières heures suivant la perfusion, de corréler la pharmacocinétique de l’HEA avec son efficacité volémique et donc de distinguer en termes de prolongation de l’efficacité volémique les deux types d’HEA commercialisés.
Une étude comparative permet de bien illustrer les rôles respectifs dans le catabolisme du PM, TSM, et rapport C2/C6 [59, 60]. La demi-vie d’élimination secondaire est peu différente pour un même TSM et rapport C2/C6 lorsque le PM est de 40 kDa ou 200 kDa. En revanche, toutes caractéristiques étant égales par ailleurs, lorsque soit le TSM, soit le rapport C2/C6 augmentent d’environ 50 %, la demi-vie d’élimination double (tableau X). Plusieurs études confirment l’accumulation plasmatique de l’HEA lors de perfusions répétées sur plusieurs jours [132]. L’accumulation est plus importante avec l’HEA 200/0,6-9,5 qu’avec l’HEA 200/0,5- 4,8 avec augmentation de la concentration des molécules de PM plus élevé (fig 10) [132]. Au total, plus le TSM et le rapport C2/C6 sont élevés, plus les molécules d’HEA, surtout celles de PM élevé, s’accumulent dans le plasma. Néanmoins, le rôle du TSM est sûrement plus important car le PM moyen des molécules d’HEA persistant après 24 heures de perfusion est plus élevé pour un même rapport C2/C6 avec l’HEA 200/0,6-9,5 [132] par rapport à l’HEA 200/0,5-10,8 [59]. Le rôle majeur du TSM est encore souligné par une autre étude comparative où la demi-vie d’élimination est de 12 heures pour un HEA 130/0,4-11 à 6 ou 10%, de 31 heures pour l’HEA 200/0,5-4,8 à 10 % et de 70 heures pour l’HEA 200/0,6-9,5 à 6 % [139, 145].
PHARMACOCINÉTIQUES COMPARÉES DES SOLUTÉS MACROMOLÉCULAIRES
Une étude pharmacocinétique comparant,
chez le volontaire sain modérément hypovolémique, gélatine (GFM à 5,5 %), dextran 40 à 10 % et HEA 200/0,5 à 10 %, permet des commentaires intéressants [68]. Les demi-vies d’élimination des trois colloïdes, calculées sur 72 heures, sont respectivement de 16, 44 et 39 heures. La demivie tardive de l’HEA calculée sur 28 jours est de 505 heures. Avec le dextran, la macromolécule est indétectable après 9 jours chez huit volontaires sur dix étudiés, ne permettant pas un calcul comparatif fiable de la demi-vie. À court terme, l’élimination est donc un reflet de la durée de l’expansion volémique initiale, supérieure avec le dextran par rapport à l’HEA ; en revanche, l’élimination prolongée ne traduit que la capacité d’accumulation de l’HEA sans aucune corrélation avec l’efficacité volémique.