Paramètres physicochimiques caractérisant les solutés macromoléculaires
MASSE MOLÉCULAIRE OU POIDS MOLÉCULAIRE
Pour des raisons inhérentes à la fabrication,les solutions macromoléculaires de synthèse sont composées de molécules de PM variable, d’où la dénomination de « solutions polydispersées » [29].Par commodité, ces solutions sont habituellement caractérisées par le PM moyen en poids (PMp) qui est la moyenne arithmétique du PM des molécules présentes. Cependant, cette information masque la dispersion du PM et ne préjuge pas de l’efficacité en terme de pouvoir oncotique, puisque celui-ci dépend autant du nombre que de la taille des molécules. En conséquence, d’autres paramètres ont été définis pour mieux caractériser ces solutions : le PM moyen en nombre (PMn) qui est le PM moyen des molécules osmotiquement actives et l’indice de polydispersion qui est le rapport PMp sur PMn.
Les grosses molécules jouent un rôle important dans la détermination du PMp, alors qu’étant en faible nombre, elles n’ont qu’un faible rôle dans la détermination du PMn. Le PMp est donc toujours supérieur au PMn. Le PM est exprimé en daltons ou kilodaltons.
VISCOSITÉ
La viscosité, grandeur qui caractérise la résistance d’un fluide à la déformation ou cisaillement, est un facteur rhéologique important.
La viscosité dépend de la viscosité intrinsèque, de la concentration et de la température [29].
La viscosité intrinsèque est définie comme la viscosité limite lorsque la concentration tend vers 0. Elle est caractéristique du soluté et ne dépend que de la taille et de la forme des macromolécules dans un solvant donné.
À PM égal, les molécules linéaires (dextrans, gélatines) sont plus encombrantes et ont une viscosité intrinsèque plus importante que les molécules globulaires repliées sur ellesmêmes (HEA). Cette caractéristique physique est intéressante car elle permet de préjuger du comportement de la molécule au niveau de la paroi capillaire et d’en déduire des informations concernant lapharmacocinétique de la solution.
La viscosité varie avec la concentration. La viscosité dynamique du soluté exprime la viscosité en la rapportant à son solvant pur. Ainsi, pour une même macromolécule comme le dextran 40, la viscosité pour des solutions à 3,5 et 10 % est respectivement de 1,6 et 5,2 centipoises (cP). L’augmentation importante de la viscosité des gélatines avec la concentration explique en partie l’impossibilité de les utiliser à des concentrations supérieures à 5 %.
Enfin, la perfusion chez le patient d’un colloïde dilue celui-ci dans la masse sanguine. Il est donc important de connaître le devenir de la viscosité du sang et du plasma après adjonction d’un substitut.
La viscosité augmente surtout après la perfusion de dextran 60 et des gélatines. À hématocrite stable, autour de 40 %, plus le substitut est concentré dans le plasma, plus la viscosité augmente [143]. Ainsi,la viscosité est augmentée avec l’HEA 200/0,6 à 10 % et inchangée à 6 % [44].
OSMOLARITÉ
Le solvant de tous les colloïdes est une solution électrolytique, le plus souvent du sérum salé isotonique ou du Ringer lactate.
Certaines gélatines contiennent une grande quantité de calcium (12,5 et 13,5 mmol·L–1 pour l’Haemaccelt et le Plasmagelt).Le solvant contribue à l’hydratation du secteur interstitiel en fonction du pouvoir oncotique de la macromolécule et de la vitesse de disparition du secteur vasculaire de cette dernière.Le choix du solvant n’est pas sans importance chez un patient dont la barrière hématoencéphalique est altérée et chez lequel l’osmolarité doit être maintenue, voire augmentée. Un solvant électrolytique équilibré avec une osmolarité proche de celle du plasma apparaît souhaitable.
Les osmolarités élevées liées à un apport de glucose ou de sorbitol n’ont pas d’intérêt, en particulier dans les situations d’ischémie cérébrale où l’apport de glucose n’est pas recommandé. De plus, le glucose diffuse à l’ensemble des secteurs hydriques de l’organisme intra- et extracellulaires. La GFM glucosée est donc sans intérêt pour le RV en raison de l’élimination rapide de la gélatine. Plusieurs études sont actuellement menées aux États-Unis avec une nouvelle présentation du HEA 450 (Hextendt) où le solvant est une solution électrolytique équilibrée avec magnésium, calcium, glucose et lactate dans le souci de mieux préserver les équilibres hydroélectrolytique et acidobasique [45]. Les solutions équilibrées isotoniques sont sans doute souhaitables mais leur intérêt n’est pas formellement démontré. En effet, de grandes quantités de sérum salé isotonique peuvent induire une acidose hyperchlorémique dont les conséquences cliniques ne sont pas connues [109].
AUTRES PROPRIÉTÉS PHYSICOCHIMIQUES
Selon les normes nord-américaines, le pH du soluté doit être compris entre 4 et 7, et le pH doit rester stable lors du stockage, ce qui est le cas de tous les substituts.
Le point isoélectrique, pH pour lequel les charges positives et négatives sont équilibrées, ne présente un intérêt que pour les gélatines car les dextrans et les HEA sont électriquement neutres.Le point isoélectrique des gélatines étant proche de celui de l’albumine, peu d’interférences avec les charges électrostatiques des protéines et des surfaces érythrocytaires sont attendues, d’où l’absence d’influence sur la détermination des groupes sanguins. En revanche, des interférences avec la détermination des groupes sanguins et des agglutinines irrégulières ont été décrites, aussi bien avec les dextrans que les HEA, mais uniquement lors de remplacements de plus de 20 à 30 % de la volémie.
Le point de gélification s’abaisse avec le PM.
Seules les gélatines ont un point de gélification supérieur à 0 °C (de 3 à 4 °C), rendant difficile leur stockage et leur utilisation aux basses températures en médecine extrahospitalière ou de guerre. De plus, le point de gélification dépend de la concentration de gélatine ; la gélification surviendrait à 8-10 °C pour une concentration de 5 % de gélatine.
Les interactions entre colloïdes et médicaments sont prévisibles avec les médicaments fortement liés aux protéines. Les interactions les plus fortes sont décrites avec les gélatines.
Les conséquences cliniques de ces interactions sont probablement négligeables.
CONDITIONNEMENT
Les solutés sont contenus dans des flacons de verre ou des poches de 500 mL se conservant plus de 3 ans à température ambiante.À température inférieure à 4 °C, les gélatines peuvent donner lieu à des phénomènes de gélification sans conséquence pratique puisque la gélification est réversible au réchauffement sans altération de la solution.La tendance est actuellement de les présenter en poches qui facilitent aussi bien le stockage que l’administration. La matière de ces poches est soit du chlorure de polyvinyle (PVC) souple, soit du polymère rigide, soit du polyéthylène. Récemment, une firme propose un polyéthylène basse densité (Ecoflact) qui est un matériau pur, d’une haute imperméabilité et « écologique » puisque son incinération ne libère que de l’eau et du gaz carbonique et que son recyclage peut être complet grâce à la particularité de son polyéthylène. Enfin, cette dernière présentation est totalement dépourvue de latex, excluant tout risque anaphylactique ; il a été suggéré que la présence d’anticorps chez des patients ayant reçu un HEA pouvait résulter d’une immunisation contre du latex provenant du système de perfusion [37]. Il est formellement interdit d’injecter des médicaments dans ces solutions et la perfusion n’est pas effectuée sur la même voie veineuse servant à la transfusion de globules rouges car le calcium contenu dans certaines solutions de gélatine précipite en présence de citrate.
La composition des différents solutés commercialisés est résumée dans les tableaux II, III et IV.
Tableau II. – Composition des solutions de dextrans. | ||||
Composition moyenne | Rhéomacrodext
chloruré sodique |
Rhéomacrodext
sorbitolé |
Rhéomacrodext
glucosé |
Hémodext |
Dextran | 100 g·L-1 | 100 g·L-1 | 100 g·L-1 | 60 g·L-1 |
Na mmol·L-1 | 153 | 770 | 855 | 140 |
Cl mmol·L-1 | 153 | 770 | 855 | 102 |
Autres ions (mmol·L-1) | K 5 ; Mg 1 ; acétate 45 | |||
Sucres (g·L-1) | Sorbitol 50 | Glucose 45 | ||
Osmolarité (mOsm·L-1) | 315 | 300 | 298 | |
Osmolalité (mOsm·kg-1) | 330 | 298 | ||
Autres additifs | Hydroxyde de Na qsp pH = 5 | Hydrosulfite de Na | ||
pH | 4,5 à 5,6 | 5 | 6,3 à 6,7 |