Indications, contre-indications de la rachianesthésie
Indications selon le type de chirurgie
durée est inférieure à 180 minutes. Chez le sujet âgé, l’inconvénient de la durée npeut être contourné par la rachianesthésie continue.
Indications classiquement retenues
La chirurgie périnéale (génitale, proctologique).
La chirurgie urologique basse (prostate, vessie, bas uretère).
Les endoscopies des voies urinaires.
La chirurgie des membres inférieurs : l’orthopédie et la traumatologie constituent de bonnes indications. En matière d’orthopédie, la rachianesthésie offre de nombreux avantages, dont un excellent relâchement musculaire qui facilite la mise en place des prothèses articulaires. Ce puissant relâchement peut parfois représenter un inconvénient lors de l’appréciation de la longueur des membres inférieurs et de la comparaison de leurs rapports anatomiques. Il existe également une diminution significative du saignement peropératoire, alors que le saignement postopératoire n’est pas significativement différent. De même, sous rachianesthésie comme sous anesthésie péridurale, on note une réduction significative de l’incidence des thromboses veineuses profondes et du risque d’embolie pulmonaire [109]. Ces effets favorables résultent de plusieurs facteurs parmi lesquels dominent la diminution de la viscosité sanguine et l’amélioration des conditions hémorrhéologiques ainsi que l’augmentation du flux sanguin, artériel et veineux, des membres inférieurs [96, 109].
Parmi les inconvénients, l’utilisation fréquente d’un garrot pneumatique peut être à l’origine de douleurs, parfois sévères. Celles-ci sont transmises par des influx de fréquence croissante véhiculés par des neurones de type C. Le choix de l’AL influe sur l’incidence de survenue de ces douleurs. Il est ainsi établi qu’elles sont moins fréquentes avec la bupivacaïne qu’avec la tétracaïne, avec les solutions isobares qu’avec les solutions hyperbares et après adjonction d’adrénaline ou de clonidine à l’AL [13, 17].
La chirurgie veineuse des membres inférieurs peut également bénéficier de la rachianesthésie, mais la nécessité fréquente d’un positionnement en décubitus ventral en limite souvent les indications.
La chirurgie pariétale abdominale : l’excellent relâchement musculaire induit par la rachianesthésie en fait une indication classique pour les herniorraphies (inguinale, crurale, de la ligne blanche) et les cures d’éventrations.
La chirurgie pelvienne et sous-mésocolique requiert un bloc de niveau supérieur T6 du fait de la nécessaire mobilisation des anses grêles. De ce fait, les risques de perturbations ventilatoires résultant du bloc, de la position du malade et des manipulations chirurgicales doivent être pris en considération. Ces risques doivent être pesés en regard de l’excellent relâchement musculaire et de la protection neurovégétative que procure la rachianesthésie.
La chirurgie abdominale haute ne peut être retenue comme une indication de rachianesthésie en raison de l’importance des conséquences hémodynamiques et ventilatoires des blocs de haut niveau. L’anesthésie générale ou l’association d’une anesthésie péridurale et d’une narcose constituent des choix plus opportuns.
L’obstétrique offre classiquement de plus larges indications à l’anesthésie péridurale qu’à la rachianesthésie. Néanmoins, cette dernière connaît actuellement un regain d’intérêt. Elle procure une excellente anesthésie, pratiquement sans effets secondaires, et pour un coût peu important. Son installation rapide (10 à 15 minutes contre 20 à 30 minutes pour l’anesthésie péridurale), lui confère un intérêt certain en urgence.
L’intervention césarienne, urgente ou programmée, représente l’indication principale. Elle est également proposée pour les manoeuvres d’extraction à la vulve lors d’accouchements par voie basse ainsi que pour les épisiotomies et leur réfection (anesthésie en selle ou ” saddle block “, intéressant les racines sacrées). Pour minimiser le risque céphalalgique, il est impératif d’utiliser des aiguilles de faible calibre et/ou à pointe conique. On utilise en solution hyperbare la lidocaïne, la bupivacaïne ou la tétracaïne. Il est classiquement recommandé de réduire les doses de 30 à 50 % chez la femme enceinte. La durée d’anesthésie, parfois insuffisante, peut être prolongée par l’addition d’adrénaline [2]. L’adjonction d’opiacés est intéressante pour l’analgésie postopératoire.
Comparée à l’anesthésie péridurale, la rachianesthésie offre certains avantages comme la rapidité d’exécution et d’installation de l’anesthésie, un pourcentage d’échecs ou d’anesthésies incomplètes moindre et une diminution du risque toxique potentiel des AL. Certains inconvénients apparaissent néanmoins, en particulier les céphalées et l’hypotension artérielle. Les céphalées peuvent être minimisées par le choix d’aiguilles de faible calibre et/ou à pointe conique [34].
L’hypotension artérielle doit être prévenue par un remplissage vasculaire et/ou l’administration de sympathomimétiques, mais également en favorisant le déplacement vers la gauche de la masse utérofoetale. Il est impératif de prévenir et de traiter rapidement l’hypotension artérielle maternelle, car le débit utéroplacentaire décroît de façon linéaire avec la baisse de pression artérielle [67]. Le retentissement foetal est important. En effet, 30 % des nouveau-nés dont la mère a réalisé un épisode d’hypotension artérielle modérée ont un score d’APGAR inférieur à 8 dans le travail de Moya et Smith [67], tandis que ceux nés d’une mère dont l’hypotension artérielle est traitée immédiatement ont un APGAR identique aux enfants dont la mère n’a pas réalisé d’hypotension artérielle. L’éphédrine utilisée à titre prophylactique tend à augmenter les résistances artérielles placentaires et les conditions de postcharge du coeur du foetus, expliquant l’acidose foetale retrouvée par Rolbin et coll. [93]. Cependant l’administration d’éphédrine après remplissage vasculaire n’entraîne pas les mêmes inconvénients. La phényléphrine (100 μg IV) est également efficace pour traiter l’hypotension maternelle et n’entraîne pas d’acidose foetale. Le rapport bénéfice/effets secondaires de la rachianesthésie continue, qui supprime l’écueil de la durée limitée, est en cours d’évaluation en obstétrique. De même, la combinaison anesthésie péridurale-rachianesthésie, semble offrir quelque intérêt dans ce contexte [85].
Indications selon le terrain
La conservation de la conscience et le faible retentissement de la rachianesthésie sur les fonctions respiratoire et cardiovasculaire présentent des avantages indéniables en fonction du terrain.
En urgence
L’utilisation de la rachianesthésie dans ce contexte est très controversée. Elle diminue le risque de régurgitation et d’inhalation de liquide gastrique. Elle est cependant contre-indiquée lors d’hémorragies importantes dans le cas d’instabilité hémodynamique et chez le traumatisé rachidien.
En traumatologie
La conservation de la conscience et l’absence de retentissement respiratoire permettent d’éviter, lorsqu’existe une participation thoracique mineure, la ventilation mécanique toujours susceptible d’aggraver un pneumothorax partiel.
Elle permet également, en théorie, de poursuivre pendant l’intervention la surveillance d’un traumatisé crânien jusque-là asymptomatique. Cependant, il existe un risque majeur à créer une brèche dure-mérienne lors d’hypertension intracrânienne. Enfin, la difficulté de s’assurer de l’absence d’hypovolémie patente ou latente rend compte de l’utilisation limitée de la rachianesthésie chez le traumatisé. De fait, l’indication est très discutée et fait généralement préférer l’anesthésie générale [24]. Néanmoins, l’existence d’une lésion strictement limitée au membre inférieur constitue une bonne indication.
En gériatrie
Le problème essentiel de l’anesthésie du sujet âgé est de choisir une technique ayant le plus faible retentissement possible sur un organisme dont les réserves d’adaptation sont constamment diminuées. La rachianesthésie, comme toute anesthésie locorégionale, permet de contourner l’inconvénient, fréquent chez le vieillard, du retard d’élimination des anesthésiques. Si une corrélation précise n’a jamais pu être établie entre le type d’anesthésie et le taux de complications psychiques postopératoires du vieillard [9, 71], il n’en demeure pas moins que ce mode d’anesthésie permet une réalimentation, une mobilisation active et un lever postopératoire précoces. Il est à noter que la fréquence des céphalées après ponction lombaire est faible chez le vieillard, même lors de l’utilisation d’aiguilles de calibre élevé pour la mise en place ou non de cathéter pour rachianesthésie continue [86].
En pédiatrie
Relativement peu utilisée chez l’enfant, la rachianesthésie nécessite, dans la plupart des cas, l’induction préalable d’une narcose par les halogénés, maintenue durant le bref laps de temps nécessaire à la ponction. Le consentement éclairé des parents est requis. La tolérance hémodynamique et respiratoire est excellente à condition de réserver cette technique aux interventions ne dépassant pas l’ombilic [1]. Chez l’enfant de moins de deux ans, la compliance de la cage thoracique est élevée et la suppression du tonus des muscles intercostaux par le bloc moteur peut induire l’apparition d’une respiration paradoxale [78]. Au plan hémodynamique, la tolérance est excellente en l’absence d’hypovolémie. Le remplissage vasculaire et/ou l’administration d’agents sympathomimétiques à titre préventif est donc inutile.
Les produits utilisés sont la lidocaïne à 1 % et la bupivacaïne à 0,25 %. Le calcul de la dose nécessaire a fait l’objet de multiples règles dont l’application impose de tenir compte du poids idéal correspondant à la taille et à l’âge. Le volume de LCR étant deux fois plus élevé chez le nouveau-né et le nourrisson, les doses nécessaires rapportées au poids sont supérieures à celles de l’adulte. Enfin, la latence d’installation est courte [1] et la durée d’anesthésie est réduite par rapport à l’adulte en raison d’une absorption plus rapide des AL. Cette technique convient pour des interventions de 45 à 60 minutes.
Actuellement, pour la majorité des auteurs, l’indication principale de la rachianesthésie en pédiatrie est la cure de hernie inguinale chez l’ancien prématuré ayant moins de 60 semaines d’âge postconceptionnel [1, 60].
Autres indications
L’insuffisance rénale et l’insuffisance hépatique qui constituent de bonnes indications car la rachianesthésie ne comporte aucun risque inhérent à la détoxification et à l’élimination des drogues.
L’insuffisance ventriculaire gauche qui est une indication discutable à l’inverse de l’insuffisance cardiaque droite qui peut être améliorée par la baisse du retour veineux.
L’allergique car le risque d’accident anaphylactique est quasi nul.
Le comitial car le risque d’accident toxique est pratiquement absent.
Certaines pathologies psychiatriques car la rachianesthésie modifie peu l’équilibre obtenu sous traitement psychotrope.
Les pathologies entraînant une susceptibilité particulière aux anesthésiques généraux, comme les porphyries ou l’hyperthermie maligne, ou à l’anesthésie générale comme les myopathies.
Rachianesthésie en pratique ambulatoire [33] l’incidence élevée des céphalées et des dorsalgies [33] ainsi que chez le sujet céphalalgique. Elle peut être utilisée chez le patient âgé de plus de 50 ans sans pathologie associée non équilibrée. Il faut impérativement respecter les critères usuels de sélection du patient ambulatoire, et réserver cette technique à des interventions ne nécessitant pas un niveau supérieur d’anesthésie au-delà de T10. Le choix des aiguilles doit permettre de réduire le risque de céphalées, risque dont le patient doit néanmoins être informé verbalement et par écrit. La lidocaïne à 5 % est l’AL de choix en rachianesthésie ambulatoire grâce à sa latence d’installation brève et à sa courte durée d’action (45 à 60 minutes). La bupivacaïne à 0,5 % isobare est proposée pour les interventions plus longues, mais le risque de bloc moteur prolongé fait discuter son emploi dans ce contexte.
La sortie de l’opéré ne peut être autorisée avant la levée totale des blocs sensitif et moteur, et du bloc sympathique (absence d’hypotension orthostatique) ni avant la récupération de la capacité à uriner.
Rachianesthésie continue
Ses indications relèvent essentiellement de la possibilité de prolonger à volonté sa durée ainsi que de l’excellente tolérance hémodynamique qu’elle confère [15], notamment chez les sujets âgés et/ou à l’équilibre cardiovasculaire précaire [114]. Les grandes indications sont celles de la rachianesthésie conventionnelle comme la chirurgie périnéale et/ou abdominale basse et la chirurgie des membres inférieurs, surtout si leur durée est difficilement prévisible. Pour les patients jeunes, notamment en obstétrique, des cathéters de très fin calibre sont disponibles [43], mais sont particulièrement onéreux.
Rachianesthésie à visée analgésique
Analgésie postopératoire
La durée d’action relativement limitée des AL ne leur confère pas d’intérêt particulier pour l’analgésie postopératoire. Par ailleurs, le risque de complications, notamment septiques, fait actuellement contre-indiquer le maintien d’un cathéter intrathécal au-delà de l’intervention chirurgicale. Si l’emploi des AL semble donc devoir être écarté, les morphinomimétiques peuvent par contre, être utilisés. La morphine, à la dose de 0,3 à 1 mg [8, 79], procure une analgésie d’une durée de 24 à 48 heures, après chirurgie de la hanche. Après chirurgie cardiaque, cette méthode permet non seulement une analgésie, mais également une diminution significative des thérapeutiques antihypertensives [117]. La diamorphine et le fentanyl ont également été proposés dans ces indications (tableau III).
Algologie
L’implantation chronique d’un cathéter sous-arachnoïdien permet l’administration de morphine, soit par un réservoir sous-cutané permettant les injections itératives, soit par l’intermédiaire d’une minipompe implantable.
Cependant, les indications ont considérablement diminué depuis l’apparition des formes orales de morphine à libération prolongée.
Contre-indications
Sont considérées comme des contre-indications absolues le refus ou l’absence de coopération de l’opéré, une infection locale cutanée ou vertébrale, une septicémie, une affection neurologique évolutive, une hypocoagulabilité sanguine artérielle mal équilibrée.
D’autres contre-indications sont relatives et doivent être discutées en fonction du bénéfice escompté de la rachianesthésie. Une instabilité psychique, une anxiété majeure rendent l’immobilisation prolongée sur table difficilement supportable et imposent le recours à une sédation de complément. Les malformations ou déformations rachidiennes augmentent les difficultés de ponction mais ne constituent, en aucune façon, des contre-indications. Un terrain céphalalgique ou migraineux prédispose aux céphalées postopératoires, mais la relation de causalité avec la rachianesthésie n’est pas démontrée. Un traumatisme crânien récent, une affection neurologique ancienne et stabilisée compliquent le diagnostic d’une symptomatologie neurologique au décours de la rachianesthésie.
En fait, le problème majeur est celui des traitements anticoagulants préventifs administrés en période préopératoire. La plupart des hématomes compressifs rapportés après rachianesthésie l’ont été chez des patients sous traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire [111]. La contre-indication n’est pas discutée en présence d’une hypocoagulabilité authentifiée par le bilan préopératoire. Ailleurs, il est difficile de s’assurer de l’isocoagulabilité chez des patients soumis à un traitement préventif compte tenu des variations interindividuelles dans la réponse à des doses faibles d’héparine. Si l’on souhaite impérativement réaliser une rachianesthésie, il est indispensable de disposer d’un TCA et/ou d’une héparinémie (activité anti-Xa). Chez les malades sous antivitamines K, il est préférable de récuser ou de différer la rachianesthésie [111].
Les antiagrégants plaquettaires (acide acétylsalicylique, ticlopidine…) imposent une attitude identique sauf si le temps de saignement est normal. Enfin, la sécurité de la ponction lombaire chez le patient recevant une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) n’est pas prouvée et doit être évaluée sur des séries suffisamment importantes. Le problème majeur avec ces médicaments réside dans l’impossibilité d’évaluer avec précision l’état d’hypocoagulabilité sanguine, l’activité anti-Xa ne constituant pas un témoin adapté. Trois cas d’hématome médullaire après HBPM ont été rapportés en 1990 [111]. En pratique, si une anticoagulation préventive est instaurée, il convient de s’entourer de certaines précautions qui sont : d’effectuer la ponction juste avant l’horaire prévu de l’administration, d’utiliser une aiguille fine et d’aborder l’espace par voie strictement médiane.
Intérêt de la rachianesthésie par rapport à l’anesthésie péridurale
La rachianesthésie possède, à son actif, une approche technique plus aisée, un pourcentage d’échec peu important, l’absence de risque toxique des AL, une latence d’installation moindre (4 à 10 minutes versus 15 à 30 minutes en moyenne), un relâchement musculaire constamment optimal. L’anesthésie péridurale offre d’autres avantages qui sont la possibilité d’analgésie sans bloc moteur, la possibilité de réalisation à tous les étages du rachis, l’absence de céphalées, la possibilité de maintien d’un cathéter pour l’analgésie postopératoire. Elle partage en outre, avec la rachianesthésie continue, une meilleure tolérance hémodynamique et la possibilité d’en prolonger la durée par des réinjections successives. Enfin, il convient de citer la place importante de la rachianesthésie dans le tiers-monde qui repose, avant tout, sur sa simplicité technique et son faible coût.