Physiologie des échanges liquidiens
Le secteur vasculaire est séparé du liquide interstitiel par la membrane endothéliale capillaire schématisée sur la figure 1 avec les différents modes de transport des substances [136].Les pores permettent le passage principal de la plupart des substances, en particulier des macromolécules. Il existerait des pores de faible diamètre (60 à 90 A° ) et d’autres plus larges (360 à 1 000 A° ). Le passage des macromolécules dépend de leur taille (poids moléculaire [PM]), de leur forme ou capacité à se déformer, de leur nature lipophile ou hydrophile [136]. La perméabilité capillaire relative est très grande pour l’eau et les électrolytes, et théoriquement très faible pour les grosses molécules comme l’albumine.
En réalité, l’albumine et les macromolécules utilisées pour le RV peuvent diffuser car les caractéristiques de l’endothélium sont très hétérogènes suivant les organes.
De plus, dans les différentes situations pathologiques où les solutés sont utilisés, la perméabilité est augmentée (inflammation, sepsis, ischémie-reperfusion) [136].
De nombreux travaux ont été consacrés ces dernières années à la capacité de certaines macromolécules à obturer les pores en s’accumulant contre la membrane basale, empêchant le passage de l’albumine [146]. Un HEA composé de grosses molécules de PM entre 100 et 500 kilodaltons (kDa) obtenues par diafiltration de l’HEA 250 serait réputé développer cette propriété, en particulier au cours du sepsis [144]. Bien que ce concept soit intéressant, il est difficile d’imaginer que les mêmes molécules les plus grosses contenues dans l’HEA 250, certes en moindre quantité, n’exercent pas cet effet.
L’avantage de ce soluté apparaît insuffisant pour justifier le surcoût majeur de sa fabrication.
Les échanges au travers de l’endothélium sont régis par plusieurs mécanismes : osmotique, oncotique et hydrostatique.
La loi de l’osmose conditionne les échanges liquidiens entre les secteurs extracellulaire et cellulaire, les liquides diffusant du secteur où l’osmolarité est la plus basse vers celui où elle est plus élevée.Les mouvements de l’eau sont donc fonction des variations de l’osmolarité induite par le solvant associé aux macromolécules. La loi de Starling régit les échanges transcapillaires qui dépendent des pressions hydrostatiques et oncotiques. Physiologiquement, les protéines et principalement l’albumine influencent ces échanges. Les macromolécules modifient les pressions oncotiques et hydrostatiques de manière variable et interfèrent avec les protéines et surtout l’albumine.
L’albumine est une protéine de PM de 66 000 Da et d’encombrement de 35 A° .
Elle est très hydrophile puisque 1 g d’albumine retient environ 18 mL d’eau. Sa grande solubilité et sa faible viscosité conférée par sa forme ellipsoïdale permettent de réaliser des solutions d’albumine fortement concentrées ; ainsi, même la présentation à 25 % reste isovisqueuse par rapport au sang [79]. Le stock corporel d’albumine est de 4 à 5 g·kg–1. La concentration plasmatique normale est de 40-45 g·L–1.
L’albumine est synthétisée par le foie et un apport de dextran en freine la synthèse. Elle se distribue pour 40 % dans le secteur vasculaire et pour 60 % dans le secteur interstitiel. Il existe un passage permanent d’albumine du secteur intravasculaire vers le secteur interstitiel d’où elle revient par l’intermédiaire de la circulation lymphatique. Cinq à 10 % de l’albumine plasmatique quittent le sang par heure et y reviennent pendant les 24 à 48 heures suivantes. Ce qui fait qu’en 20 à 24 heures, la totalité du pool vasculaire passe dans le secteur extravasculaire. La destruction de l’albumine se fait dans de multiples tissus. L’albumine étant chargée négativement, elle ne traverse pas la membrane glomérulaire. La demi-vie de l’albumine est de 18 à 21 jours. À côté de ses fonctions de vecteur (calcium, bilirubine, acides gras, médicaments…), l’albumine a pour fonction de développer l’essentiel de la POC plasmatique et ainsi de réabsorber dans le capillaire l’eau ayant quitté ce même capillaire sous l’effet de la pression hydrostatique et contribue ainsi au maintien de la volémie [79, 101].
Le rôle joué par l’albumine dans le flux net de l’eau (Q) entre le secteur vasculaire et le secteur interstitiel est quantifié par l’équation de Starling et Staverman :
Q = Kf [(Pmv – Ppmv) – r(pmv – ppmv)] où Q représente la quantité de liquide filtré, Kf le coefficient de filtration définissant les caractéristiques physicochimiques de la membrane capillaire, P les pressions hydrostatiques et p les pressions oncotiques respectivement de l’espace microvasculaire (mv) et périmicrovasculaire (pmv). Le coefficient de réflexion r définit le caractère de perméabilité aux protéines de la membrane capillaire. Ce coefficient est variable d’un tissu à l’autre : notamment, la perméabilité à l’albumine au niveau pulmonaire est plus grande qu’au niveau de la circulation périphérique. Ce coefficient est de 0,8-0,9 au niveau pulmonaire, mais il peut tendre vers 0 au cours d’oedèmes lésionnels.
La loi de Starling peut être schématisée de la manière suivante (fig 2). La pression hydrostatique subit une variation continue mais faible de l’artériole à la veinule. Cette variation est responsable d’un mouvement d’eau et d’électrolytes à travers la paroi capillaire. Dans la partie initiale du capillaire, la pression hydrostatique est supérieure à la POC additionnée de la pression propre des tissus.
L’eau quitte le secteur vasculaire pour le milieu interstitiel. Dans la partie terminale du capillaire, la pression hydrostatique a chuté et est devenue inférieure à la somme de la pression tissulaire et de la POC. Le phénomène s’inverse et il y a appel d’eau vers le vaisseau. Trois facteurs peuvent influencer le passage de liquides de l’espace vasculaire vers l’interstitium :
une altération de l’intégrité capillaire, une élévation du gradient hydrostatique essentiellement par élévation de la pression intravasculaire, une diminution du gradient oncotique périvasculaire.
Au niveau pulmonaire, deux mécanismes maintiennent l’équilibre, évitant l’oedème interstitiel : le débit lymphatique qui peut s’accroître de manière importante, de dix fois sa valeur de base en situations pathologiques, et le passage de liquides au travers de la membrane capillaire qui augmente le gradient de POC. Ainsi, le passage de liquide au travers de la membrane dilue l’albumine du secteur interstitiel et diminue donc la pression oncotique de ce secteur. Il en résulte une augmentation secondaire du gradient oncotique qui tend alors à freiner le passage des liquides vasculaires vers le secteur interstitiel. C’est le premier mécanisme qui limite la formation de l’oedème interstitiel, mécanisme inopérant lorsque le coefficient de réflexion s’effondre lors d’un oedème lésionnel. En revanche, dans cette dernière situation, le drainage lymphatique reste efficace. Le drainage lymphatique est moins performant dans les autres tissus, en particulier sous-cutané, musculaire et intestinal. En effet, le drainage lymphatique implique une compression passive et intermittente des vaisseaux lymphatiques qui oriente l’eau vers les grosses veines grâce à l’existence de valves antiretour. Chez les personnes immobilisées, l’absence de contractions musculaires explique l’apparition plus précoce de l’oedème interstitiel au niveau des membres. Au niveau pulmonaire, il demeure efficace tant qu’il existe des mouvements respiratoires.