Blocs du nerf sciatique et de ses branches
Les blocs du nerf sciatique sont encore sous-utilisés et gardent la fausse réputation d’être difficiles, notamment lors d’un abord glutéal où le nerf est profond. Les nouvelles voies récemment décrites, et la neurostimulation, démystifient ce bloc, qui devrait être maîtrisé par la majorité des anesthésistes.
BLOC DU NERF SCIATIQUE PAR VOIE PARASACRALE
L’abord parasacral est le seul qui aborde le plexus sacral à sa sortie du pelvis au bord supérieur du foramen ischiatique ; il s’agit d’un bloc plexique. [35, 40]
Installation du patient et repères de ponction
Le patient est placé en décubitus latéral, le côté à bloquer vers le haut, la cuisse fléchie à 135-140°, le genou fléchi à 90°, l’axe du fémur passe par l’EIPS adoptant ainsi la position de Sim (Fig. 11). L’EIPS et la tubérosité ischiatique sont reliées par une ligne droite. Dans la publication originale, le point de ponction se trouve sur cette ligne, à 6 cm de l’EIPS. Il semble préférable de placer le point de ponction à la jonction tiers supérieur-deux tiers inférieurs de la ligne droite.
Réalisation du bloc et volume injecté
L’aiguille de 100 mm (150 mm chez l’obèse) est introduite perpendiculairement dans tous les plans. En cas de contact osseux, l’aiguille est retirée, puis réintroduite 1 à 2 cm plus bas sur cette droite.
Hormis les réponses motrices situées au niveau de la fesse (nerfs glutéaux supérieur et inférieur), toutes les réponses, même localisées dans la loge postérieure de la cuisse sont acceptables. À ce niveau de ponction, l’obtention d’une seule réponse en stimulation semble satisfaisante.
Un cathéter est facilement introduit par cette voie. [39] Une direction légèrement céphalique de l’aiguille facilite sa progression.
Extension de l’anesthésie et indications
Ce bloc étant l’équivalent d’un bloc plexique, tous les nerfs issus du plexus sacral sont théoriquement concernés par l’anesthésie. Ainsi, le nerf pudendal est bloqué, ce qui est habituellement inutile, et parfois peu apprécié par le patient. Ce bloc est indiqué dans toutes les situations mais particulièrement quand il importe de bloquer les branches du plexus sacral et les branches les plus proximales du nerf sciatique.
Contre-indications et complications
Comme tous les blocs profonds, ce bloc est contre-indiqué en cas d’anomalies de la coagulation à risque hémorragique. Bien qu’aucune complication spécifique n’ait été publiée, cet abord comporte deux risques potentiels, la ponction du rectum et la pénétration de l’aiguille dans le pelvis. Une progression lente de l’aiguille est indispensable.
BLOC DU NERF SCIATIQUE PAR VOIE
DE LABAT-WINNIE
Initialement décrite par Labat, cette voie d’abord intéresse aussi le nerf fémoral cutané postérieur, mais nécessite une mobilisation du patient.
Installation du patient et repères de ponction
Le patient est couché en décubitus latéral, le côté à bloquer vers le haut, la cuisse fléchie à 135-140°, le genou fléchi à 90°, adoptant ainsi la position de Sim. Dans la bonne position, l’axe du fémur passe par l’EIPS. On trace d’abord une droite reliant le bord supérieur du grand trochanter à l’EIPS. Cette droite représente la projection cutanée du bord supérieur du muscle pyramidal. Puis est tracée une deuxième droite, perpendiculaire à la première et la coupant en son milieu. Le point de ponction se trouve sur cette deuxième droite, à 3 cm du point d’intersection. Avec ces repères, la localisation est parfois laborieuse, le point de ponction étant souvent situé trop haut dans la fesse.
Pour pallier cette « erreur », Winnie propose de tracer une troisième droite reliant le bord supérieur du grand trochanter à l’hiatus sacrococcygien. [66] Cette ligne représente la projection cutanée du bord inférieur du muscle pyramidal en dessous duquel émerge le nerf sciatique. Le point de ponction se trouve à l’intersection entre cette ligne trochantéro-hiatale et la perpendiculaire à la ligne trochantéro-iliaque (Fig. 9).
Réalisation du bloc et volumes injectés
L’aiguille (100 mm) est introduite perpendiculairement au plan cutané sur 6 et 8 cm, à travers le corps du muscle grand fessier. La première réponse obtenue en neurostimulation est la contraction de ce muscle traduisant la stimulation de son nerf, le nerf glutéal inférieur. Au niveau du point de ponction, ce nerf est habituellement dans le même espace que le nerf fémoral cutané postérieur. Dans un peu plus de 50 % des cas, ces deux nerfs fusionnent même sur quelques centimètres pour constituer l’inconstant nerf petit sciatique.
Ce nerf est bloqué avec 6 à 8 ml de solution anesthésique.
La progression de l’aiguille est alors reprise. L’épine ischiatique constitue la limite de profondeur maximale qui ne doit être ni atteinte ni dépassée, le nerf étant généralement repéré avant. Si le contact osseux est obtenu sans avoir repéré le nerf, l’aiguille est retirée puis réorientée le long de la ligne trochantéro-hiatale. En raison de sa largeur (1 à 1,5 cm) le nerf sciatique est facilement repéré. Classiquement, les réponse obtenues peuvent être :
– une contraction des muscles de la loge postérieure de jambe et une flexion plantaire, traduisant la stimulation des fibres destinées à constituer le nerf tibial ;
– une contraction des muscles de la loge antérolatérale de la jambe avec une dorsiflexion et une éversion du pied traduisant la stimulation du contingent du nerf péronier commun.
Il est préférable de repérer et de bloquer spécifiquement chaque composante (tibiale, péronière et cutanée) du nerf sciatique. Le blocage sélectif améliore la qualité du bloc et réduit la latence d’installation. Le contingent tibial est plus interne et, au point de ponction, légèrement plus superficiel que le contingent péronier.
Lorsque le premier est rencontré (contingent tibial, par exemple), il est bloqué avec les précautions d’usage, puis l’aiguille est très légèrement déplacée (latéralement et en profondeur) pour trouver le deuxième contingent (péronier) qui est à son tour bloqué sélectivement.
Chez l’adulte, 20 à 25 ml sont suffisants pour un bloc du nerf sciatique. Le bloc ne sera installé de façon complète qu’après 30 minutes.
Extension du bloc et indications
Le bloc ainsi réalisé concerne le nerf sciatique et toutes ses branches en dessous de la fesse. Le nerf cutané postérieur a été bloqué spécifiquement. Ce bloc autorise toute l’anesthésie et l’analgésie dans le territoire du nerf sciatique.
Contre-indications et complications
Ce bloc est contre-indiqué en cas d’anomalie de la coagulation. Les complications n’ont aucune spécificité, se limitant aux lésions traumatiques et à la résorption excessive de la solution injectée.
BLOC PAR VOIE ANTÉRIEURE DU NERF SCIATIQUE
Les voies d’abord antérieure du nerf sciatique ont comme avantage de ne pas nécessiter la mobilisation du patient, ce qui est utile en traumatologie. Cet abord était d’utilisation rare en raison des difficultés de réalisation de la voie classique de Beck. Plusieurs voies antérieures, dont les repères sont faciles à tracer, ont été décrites récemment. La voie décrite par Chelly et Delaunay est largement utilisée [13] (Fig. 12).
Installation du patient et repères de ponction
Le membre inférieur est en position anatomique. Une droite est tracée entre le bord inférieur de l’EIAS et le tubercule pubien, une perpendiculaire est tracée au milieu de cette droite. Le point de ponction se trouve 7,5 cm à 8 cm vers le bas sur cette médiatrice, soit environ 6 cm en dessous du pli inguinal et 2 cm en dehors de l’artère fémorale. [22]
Réalisation du bloc et volume injecté
L’aiguille (150 mm) est introduite perpendiculairement aux plans cutanés jusqu’à obtenir une réponse motrice dans le territoire du nerf sciatique. Si aucune réponse n’est déclenchée après deux tentatives, l’aiguille sera redirigée légèrement en direction latérale pour chercher le contact de la diaphyse fémorale. Le nerf est alors trouvé en arrière du fémur. Une rotation externe du pied peut faciliter le repérage du nerf, qui alors va se dégager de la diaphyse fémorale. [21, 59] Il ne semble pas utile de chercher à repérer et bloquer sélectivement les deux composantes du nerf. De 20 à 25 ml sont des volumes suffisants.
Extension du bloc et indications
L’extension au nerf cutané postérieur de cuisse est exceptionnelle.
Ce bloc est indiqué pour les interventions concernant le genou ou situées en aval.
Contre-indications et complications
L’aiguille passant à proximité du nerf fémoral ou des vaisseaux fémoraux, le risque spécifique théorique de cette voie est de les léser.
Il est fréquent lors de la ponction, de déclencher des réponses motrices dans le territoire du nerf fémoral. La ponction des vaisseaux fémoraux, bien que possible, n’a jamais été rapportée. Il n’est pas indiqué de placer un cathéter par cette voie.
BLOC DU NERF SCIATIQUE PAR VOIE
LATÉROTROCHANTÉRIENNE
Le patient est placé en décubitus dorsal ; un coussin placé sous la fesse facilite la réalisation du bloc. Cette technique qui ne nécessite pas de mobilisation particulière du patient est utile en traumatologie. Le nerf sciatique est abordé par une ponction réalisée 2 cm en arrière et 3 cm en aval du point le plus saillant du grand trochanter. L’aiguille de 150 mm est dirigée dans un premier temps en direction purement médiale jusqu’au contact avec le fémur. Elle est alors légèrement retirée puis orientée avec un angle de 5 à 10 ° pour passer en arrière du fémur. La composante péronière est habituellement rencontrée en premier. Le bloc du nerf cutané postérieur est inconstant. Les réponses en neurostimulation et les volumes nécessaires sont sans particularité. Une variante a récemment été publiée. Elle permet la mise en place d’un cathéter. La direction de l’aiguille n’est plus strictement médiale mais céphalique à 45°. [43]
BLOC DU NERF SCIATIQUE PAR VOIE ISCHIATIQUE
Le nerf sciatique quitte la fesse pour entrer dans la cuisse en passant entre la tubérosité ischiatique et le grand trochanter. Il est facilement abordé à ce niveau. Le patient est en décubitus latéral, ou mieux en décubitus ventral, le pied en rotation externe ce qui entraîne une rotation interne du grand trochanter. Cette position réduit la distance entre la tubérosité ischiatique et le grand trochanter. Le nerf passe au milieu du segment de droite (dessiné sur la peau) unissant ces deux repères osseux. La ponction est réalisée 3 à 4 cm en aval de ce segment de droite, sur sa médiatrice. L’aiguille est dirigée vers le milieu du segment avec un angle de 30 ° environ. [20] Le nerf cutané postérieur peut être bloqué par une infiltration réalisée avant le franchissement du fascia profond que l’aiguille doit perforer pour aborder le nerf sciatique. Un cathéter est facilement mis en place par cette voie.
BLOC DU NERF SCIATIQUE PAR VOIE MÉDIOFÉMORALE
Cette voie proposée récemment semble comporter moins de risques liés au traumatisme d’un élément anatomique que les voies antérieures. Le nerf sciatique est moins profond, n’est pas encore séparé en ses deux terminales, et la ponction est réalisée à distance d’autres éléments nerveux ou vasculaires. [42]
Le patient est en décubitus dorsal, le membre inférieur en position anatomique est surélevé par un coussin placé sous le genou. Le point de ponction se trouve au milieu d’une ligne droite tracée du bord postérieur du grand trochanter jusqu’au point le pluspostérieur du condyle latéral du fémur. L’aiguille est introduite perpendiculairement à la peau, à travers le corps du muscle vaste latéral, jusqu’à obtenir une réponse musculaire au niveau du pied. Vingt millilitres d’anesthésique local sont injectés sur une seule réponse motrice, habituellement la composante péronière. Le nerf cutané postérieur n’est pas bloqué.
Un cathéter peut être mis en place ; une direction céphalique de l’aiguille facilite sa progression.
BLOCS DU NERF SCIATIQUE DANS LA FOSSE POPLITÉE
L’abord du nerf sciatique dans la fosse poplitée est indiqué pour les interventions concernant la cheville ou le pied. [16, 28, 52, 67]
Anatomie
La fosse poplitée est une structure losangique dont le nerf tibial constitue grossièrement le grand axe vertical et le pli de flexion du genou le petit axe horizontal. La paroi supéromédiale est constituée par les tendons des muscles semi-tendineux et semi-membraneux ; la paroi supérolatérale par celui du biceps fémoral. Les parois inféromédiale et inférolatérale sont constituées par les chefs médial et latéral du muscle gastrocnémien. Les éléments nerveux, contenus dans un espace unique, constituent les éléments les plus postérieurs de la fosse poplitée. Le plan vasculaire est plus antérieur. [27, 57, 62]
Le nerf sciatique descend en ligne droite depuis la région glutéale jusqu’à la fosse poplitée, où il se divise pour donner le nerf tibial et le nerf péronier commun. Cette division peut se produire plus haut dans la cuisse, les deux troncs nerveux s’éloignent au niveau de la fosse poplitée. Le nerf tibial continue le trajet du nerf sciatique en descendant en ligne droite dans la jambe. Le nerf péronier commun se divise rapidement en ses deux branches terminales, les nerfs péronier profond et superficiel, avant de quitter latéralement la fosse poplitée (Fig. 13).
Le nerf sural s’individualise habituellement du nerf tibial dans la fosse poplitée. Le nerf cutané sural médial, constitué de fibres issues du nerf tibial et du nerf péronier commun, assure l’innervation sensitive du mollet. Dans quelques cas, il naît directement du tronc du nerf sciatique, avant son entrée dans la fosse poplitée ; dans cette configuration, il n’est pas bloqué par un abord dans la fosse poplitée.
Il reçoit fréquemment des filets venus du nerf cutané fémoral postérieur. Parfois, le nerf cutané fémoral postérieur prend en charge tout le territoire postérieur, de la fosse poplitée au talon.
Abord poplité postérieur
Plusieurs techniques postérieures sont publiées [27, 52] ; une seule sera décrite. [27] Le patient est confortablement installé en décubitus ventral, au mieux le pied à bloquer débordant de la table. On repère le losange de la fosse poplitée, et particulièrement son angle supérieur, limité par les tendons des muscles semi-membraneux et semi-tendineux en dedans et biceps fémoral en dehors. Le nerf sciatique constitue presque la bissectrice de cet angle. La ponction est réalisée le plus haut possible dans la fosse poplitée, avec une direction très légèrement latérale, cherchant en neurostimulation à repérer le nerf sciatique. Avec cette technique, le nerf sciatique est abordé à mi-cuisse ; il est alors rare que le bloc ne soit pas complet en dessous du genou.
Lorsqu’un des deux contingents, tibial ou péronier commun est repéré, on impose à l’aiguille de très légers mouvements de latéralité ; si l’autre contingent est alors clairement repéré, cela signifie que les nerfs tibial et péronier sont très proches et qu’une seule injection sera suffisante pour bloquer les deux. Sinon, il faut repérer et bloquer chaque nerf spécifiquement. Un bloc chirurgical est obtenu avec 20 à 30 ml d’anesthésique local au maximum.
Si un cathéter est indiqué (analgésie postopératoire, chirurgie itérative, analgésie prolongée) il sera mis en place sur la réponse tibiale. [31, 50]
Abord latéropoplité
Il est particulièrement indiqué chez les patients pour qui la mobilisation en décubitus latéral ou ventral est difficile ou impossible.
Le patient est installé en décubitus dorsal. Après identification des repères, qui au mieux sont dessinés sur la peau, le membre inférieur à bloquer est mis en extension, le talon surélevé du plan de la table par un coussin. La ponction est réalisée, chez un patient de morphologie normale avec une aiguille de 50 mm de longueur. Chez les patients obèses, une aiguille plus longue (100 mm) peut être nécessaire. Le repérage par neurostimulation est indispensable.
La ponction est réalisée dans la dépression située entre le bord latéral du tendon du vaste latéral en avant, et le bord antérieur du tendon du muscle biceps fémoral en arrière, quelques centimètres au-dessus d’une ligne horizontale passant par le sommet de la rotule (Fig. 14). L’aiguille est dirigée en dedans et en arrière, avec un angle de 15 à 20° pour passer en avant du tendon du biceps fémoral et en arrière des vaisseaux poplités. Elle est orientée en direction caudale avec un angle de 30 à 45° pour repérer et bloquer sélectivement les nerfs péronier commun et tibial, après leur séparation.
Habituellement, le nerf péronier commun est localisé le premier après une progression de l’aiguille de 20 à 30 mm. En gardant la même direction, l’aiguille est avancée à la recherche du nerf tibial, rencontré habituellement après une nouvelle progression de 10 à 15 mm.
La neurostimulation cherche à provoquer des mouvements sur les deux composantes sciatiques, nerf péronier commun et nerf tibial.
Lors de la ponction, une contraction de certaines fibres distales du muscle biceps fémoral peut donner l’impression d’une stimulation du nerf péronier commun. La palpation des muscles stimulés et l’analyse du mouvement engendré permettent de corriger cette erreur d’appréciation. La disparition de ces contractions musculaires directes lors de la progression de l’aiguille traduit la pénétration de son biseau dans la fosse poplitée et incite à une progression prudente puisque le biseau est alors à proximité des nerfs recherchés. Parfois, le nerf péronier commun se sépare du nerf tibial en amont de la fosse poplitée. Le risque de ne pas le bloquer peut être évalué entre 20 et 40 % ; son repérage sélectif permet de pallier ce problème. [44]
La mise en place d’un cathéter est possible par voie latéropoplitée.
Le cathéter qui sera placé à proximité du nerf tibial, et pas du nerf péronier commun, ne doit pas être introduit sur plus de 2 à 3 cm.
Cependant, pour une mise en place plus efficace, une modification de la technique est souhaitable. Lors de la ponction, l’aiguille est dirigée en direction céphalique et non plus caudale, pour obliger le cathéter à remonter le long du nerf sciatique, autorisant ainsi un bloc plus homogène.
Contre-indications et complications des abords poplités
Les contre-indications des abords poplités se limitent aux volumineuses varices du membre considéré, en raison de l’éventualité d’une importante dilatation variqueuse poplitée dont la ponction pourrait se compliquer d’hémorragie. Il n’est pas rapporté dans la littérature de complication spécifique de ces abords. Comme pour tous les blocs du nerf sciatique, un risque de syndrome de loge justifie une réflexion approfondie du rapport bénéfice-risque.