Anesthésie locale et locorégionale pour la chirurgie du périnée
P. Niccolai (patricknic@wanadoo.fr).
Département d’anesthésie-réanimation, Centre hospitalier Princesse Grace, avenue Pasteur, 98012 Monaco cedex, Principauté de Monaco.
A. Pulcini.
J.-P. Guérin.
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Saint Roch, rue P. Dévoluy, 06006 Nice cedex 1, France.
H. Clavé.
Chirurgie gynécologique, Clinique Saint-George, 2, avenue Rimiez, 06100 Nice, France.
M. Raucoules-Aimé.
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital de l’Archet, route Saint-Antoine de Ginestière, 06202 Nice cedex 1, France.
Le périnée, de par son accessibilité relative à portée d’aiguille, permet l’application de techniques d’anesthésie locale et locorégionale dont le rapport bénéfice-risque est élevé. La sécurité en matière d’administration des anesthésiques locaux passe obligatoirement par un minimum de connaissances de leurs effets secondaires et toxiques et par une grande rigueur dans leur réalisation, qu’il s’agisse de techniques d’infiltration ou de bloc tronculaire. L’utilisation d’aiguilles à biseau court est recommandée.
Les doses d’anesthésiques locaux devront être adaptées au poids en évitant des doses cumulées proches des doses toxiques (réinjections, ou procédure anesthésique sur plusieurs sites). Le bloc pudendal repose sur un blocage du nerf à sa sortie du canal d’Alcock. Son efficacité peut être améliorée par des infiltrations plus distales, en particulier en proctologie, dans l’hystérectomie par voie vaginale et dans le bloc pénien.
Deux voies d’abord sont possibles : la voie transvaginale et la voie transpérinéale. Le bloc paracervical peut être utilisé pour l’analgésie dans l’hystérectomie par voie vaginale, associé à un bloc pudendal bilatéral. Le bloc périprostatique permet, associé à une anesthésie topique urétrale, des actes chirurgicaux simples par endoscopie comme par exemple la résection prostatique d’importance modérée, les résections endovésicales de tumeurs de vessie ; les urétrotomies internes ou la pose de prothèse endoprostatique etc.
Cette voie antérieure rétropubienne est une alternative aux voies périnéale, intrarectale ou intra-urétrale exposant à des complications septiques. En proctologie et pour des gestes invasifs, il peut être pratiqué une infiltration pudendale isolée, un bloc pudendal par neurostimulation ou une infiltration périnéale profonde par infiltration multisite.
Mots clés : Anesthésie locale ; Périnée ; Bloc pudendal ; Bloc paracervical ; Bloc pénien ; Bloc périprostatique ; Bloc périnéal postérieur
Introduction
Le périnée, de par son accessibilité relative à portée d’aiguille, permet l’application de techniques d’anesthésie locale et locorégionale dont le rapport bénéfice-risque est élevé. Anciennement, ces modalités d’anesthésie étaient presque exclusivement utilisées par les obstétriciens. Délaissées en raison du développement de l’analgésie péridurale obstétricale, ces techniques reviennent en force dans de nombreuses autres spécialités comme l’urologie, la gynécologie ou la proctologie.
Ces techniques, bien que simples, nécessitent un minimum de connaissances anatomiques. Par facilité didactique, nous parlerons de « blocs », qu’il s’agisse de techniques d’infiltrations pures ou de bloc périnerveux nécessitant une neurostimulation.
Nous exclurons de notre propos les anesthésies locorégionales (ALR) médullaires ou périmédullaires.
Bases anatomiques
Le périnée est probablement l’endroit du tronc présentant le plus de différences anatomiques en fonction du sexe. Cependant, en matière d’innervation, en dehors des rameaux terminaux dont l’appellation varie selon l’organe de destination, les distributions sensitives et motrices sont similaires et n’exigent pas de grandes variations quant aux techniques utilisées (Fig. 1, Fig.2, Fig.3, Fig. 4). [1-3]
Les points communs sont :
– l’association des deux systèmes d’innervation : sympathique par le plexus mésentérique inférieur et parasympathique par les plexus lombaire et sacré ;
– l’existence de la fosse ischiorectale qui constitue un espace de diffusion propice à la réalisation de techniques d’infiltration par les anesthésiques locaux (AL).
Innervation sympathique
Le sympathique provient du plexus mésentérique inférieur constitué de branches du plexus intermésentérique et de branches issues du plexus aortique, concourant à la création des nerfs splanchniques pelviens, qui sont au nombre de trois (deux latéraux et un médian). Au niveau de L5, à la face antérieure du rectum et en dedans des trous sacrés antérieurs, ils se différencient pour former le cordon plexiforme de Cruveilhier et le nerf hypogastrique de Latarjet.
Le plexus hypogastrique est destiné à la vessie, au rectum et aux organes génitaux. Il se présente sous la forme d’une lame neurovasculaire globalement quadrilatère et multiperforée. Il est situé dans la gaine hypogastrique, en dessous du péritoine et au-dessus du plateau pelvien, en dedans des vaisseaux de l’espace pelvirectal supérieur. Il se différencie par sa position : en dehors du rectum et des vésicules séminales chez l’homme et de la partie postérieure et supérieure du vagin chez la femme. À ce niveau, le plexus hypogastrique reçoit des afférences du plexus sacré (nerfs érecteurs d’Erckhardt) alors que des branches efférentes vont se distribuer à la vessie et aux organes génitaux externes.
La distribution dans le bassin supérieur et inférieur se fait sous la forme de plexus secondaires propres à chaque organe et portant le nom de la zone qu’ils innervent, à savoir : hémorroïdal moyen (ou rectal) à destination du sphincter interne, urétéral, vésical, vésiculodéférentiel et prostatique ou utérin chez la femme, caverneux.
Les nerfs du vagin sont anastomosés au plexus vésical et rectal. Ces zones de plexus constituent des régions qui seront facilement accessibles pour bloquer les influx neurovégétatifs pelviens.
Parasympathique pelvien
L’innervation parasympathique du périnée est constituée de trois plexus : sacré, honteux, sacrococcygien.
Plexus sacré
Il est formé du plexus lombosacré et des branches antérieures des trois premières racines sacrées. Le tronc lombosacré est constitué par les branches antérieures des trois premières racines sacrées, de la branche antérieure de la cinquième lombaire et d’anastomoses avec la branche L4. Il descend en avant de l’aileron du sacrum et contracte des anastomoses avec la première racine sacrée en avant du bord supérieur de l’échancrure sciatique. La réunion de ces nerfs forme un triangle dont la base correspond aux trous sacrés antérieurs et le sommet au bord inférieur de la grande échancrure sciatique. Le plexus sacré est appliqué à la face antérieure du muscle pyramidal où il est recouvert par une lame aponévrotique fibreuse, émanant de l’aponévrose pelvienne et qui la sépare des vaisseaux hypogastriques.
Il faut noter, là encore, l’existence d’anastomoses nombreuses avec le plexus lombaire honteux et le sympathique pelvien. À l’exception du nerf obturateur interne, toutes ces branches sont destinées au membre inférieur via le grand sciatique. La sortie de la cavité pelvienne se fait à la partie inférieure de la grande échancrure sciatique, en dehors du pédicule honteux interne.
Plexus pudendal (anciennement honteux interne)
Il est constitué par les branches antérieures de S2 et S3 mais surtout de S4. Il est collé au plexus sacré et recouvert par la même aponévrose. Il y contracte de nombreuses anastomoses, en particulier avec le sympathique pelvien. Toutes ses branches sont destinées au rectum, à la vessie, aux organes génitaux externes et au périnée. Le nerf pudendal naît des deuxième, troisième et quatrième racines sacrées. Dès son origine, il sort du bassin, accompagné de l’artère correspondante, par la partie inférieure de la grande échancrure sciatique. Il est alors situé sous le muscle pyramidal. Puis il contourne l’épine sciatique et pénètre par la petite échancrure sciatique dans le bassin et la paroi externe de la fosse ischiorectale. Dans cette dernière, le pédicule pudendal est enrobé et fixé dans un dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur interne classiquement appelé canal honteux ou canal d’Alcock. Le nerf pudendal y est situé à la partie inférieure du paquet vasculonerveux où il longe le bord supérieur du repli falciforme du grand ligament sacrosciatique.
Cette localisation est à l’origine d’une des symptomatologies douloureuses s’intégrant dans les « névralgies du canal d’Alcock ». Ce trajet est court et le nerf pudendal donne rapidement naissance dans sa gaine à trois branches terminales :
– le nerf hémorroïdal ou rectal inférieur qui innerve le sphincter externe de l’anus et la zone cutanée périanale. Dans près de la moitié des cas, il se détache du plexus honteux sous la forme d’une collatérale ;
– le nerf périnéal est une branche inférieure dirigée en bas et en avant qui donne : un rameau périnéal externe (vers le scrotum ou les grandes lèvres) ; le rameau superficiel du périnée dans le plan superficiel du périnée vers le scrotum et la face inférieure de la verge ou des grandes lèvres ; le rameau profond bulbo-urétral qui aborde la face inférieure du corps caverneux ou le muscle constricteur de la vulve.
La connaissance de ces terminaisons nerveuses motrices et de leur destination est importante à connaître pour les techniques de bloc pudendal par neurostimulation.
– Le nerf dorsal de la verge ou du clitoris accompagne dans un premier temps le pédicule pudendal sur la paroi latérale de l’espace ischiorectal puis le long de la branche ischiopubienne.
Il gagne ensuite le bord antérieur du ligament transverse du pelvis, puis passe sous la symphyse pubienne jusqu’à la face dorsale de la verge ou du clitoris à travers les faisceaux du ligament suspenseur. La destination finale est, chez l’homme le gland et les faces latérales de la verge, et chez la femme le clitoris et son capuchon.
Plexus sacrococcygien
Il est constitué par les branches antérieures du cinquième nerf sacré et du nerf coccygien. Ces nerfs sortent du canal rachidien à l’extrémité inférieure du canal sacré, puis traversent le muscle ischiococcygien et s’unissent dans une anse anastomotique en avant de ce muscle, en recevant des afférences de la quatrième racine sacrée. Ces différents rameaux forment ainsi le plexus sacrococcygien. Ce plexus va donner des rameaux viscéraux qui vont au plexus hypogastrique, des rameaux cutanés pour la peau de la région coccygienne et un rameau anococcygien vers les téguments entre le coccyx et l’anus.
Au total
La zone cutanée innervée par le nerf pudendal est en forme de selle ou de triangle isocèle à sommet arrondi sus-clitoridien et à base sous-anale. Il est constitué par les branches antérieures de S2 et S3 mais surtout de S4. Il est collé au plexus sacré, recouvert par la même aponévrose et y contracte de nombreuses anastomoses ainsi qu’avec le sympathique pelvien. Toutes ses branches sont destinées au rectum, à la vessie, aux organes génitaux externes et au périnée.