Anesthésie caudale
L’anesthésie caudale consiste en une injection d’anesthésiques locaux dans l’espace péridural après ponction de l’hiatus sacré au travers de la membrane sacrococcygienne.
CHOIX DU MATÉRIEL
Le choix du matériel est important, tant pour faciliter la réalisation du geste que pour éviter les complications. Il est dicté par les données anatomiques. Ainsi, le franchissement de la membrane sacrococcygienne est mieux perçu lors de l’utilisation d’aiguilles à biseau court de 45 à 60° ou à pointe de crayon. De plus, ces aiguilles limitent le risque de pénétration au travers des pièces sacrées cartilagineuses et d’injection intraosseuse ayant les mêmes conséquences qu’une injection intravasculaire. Les aiguilles de fin diamètre risquent de se couder ou de se rompre lors de la ponction ou du retrait, et rendent les tests d’aspiration difficiles et peu fiables en raison de la résistance à l’écoulement des liquides qu’elles provoquent. Une injection intrathécale ou intravasculaire peut alors être méconnue avant l’apparition d’effets secondaires graves. Le calibre idéal semble se situer entre 21 et 23 G. La longueur de l’aiguille doit être limitée en raison de la proximité du cul-de-sac dural. Une longueur de 30 mm semble tout à fait adaptée. Enfin l’utilisation d’un mandrin obturateur permet de prévenir l’introduction de cellules épidermiques dans l’espace péridural, à l’origine de tumeurs épidermoïdes dont le traitement ne peut être que neurochirurgical. [22]
TECHNIQUE
L’objectif de l’anesthésie caudale est d’aborder l’espace péridural en dessous du cône médullaire. Le geste est le plus souvent réalisé après l’induction d’une anesthésie générale. L’enfant est alors placé en décubitus latéral. Les repères anatomiques sont localisés par palpation ; ce sont la prolongation caudale de la ligne des épineuses qui seule permet de localiser la ligne médiane dans cette position, les cornes sacrées et la charnière sacrococcygienne. La projection cutanée de l’hiatus sacré est située à la pointe d’un triangle équilatéral dont la base est formée par la ligne joignant les épines iliaques postérieures et la pointe placée au milieu de la charnière sacrococcygienne (Fig 1). Après préparation de la peau à l’aide d’un antiseptique, l’aiguille est insérée avec un angle de 60° par rapport à la peau jusqu’au franchissement de la membrane sacrococcygienne.
Un ressaut caractéristique est perçu lors de la pénétration de l’aiguille dans le canal sacré. L’aiguille est alors orientée dans un plan parallèle à l’axe spinal et avancée de 2 mm (Fig. 2). [7, 8]
L’injection de l’anesthésique local est commencée après un test d’aspiration soigneux afin de dépister une effraction vasculaire ou une brèche de la dure-mère. Deux cas cliniques mettant en échec le test d’aspiration ont été publiés. [17, 37] Dans ces deux cas, une injection sous-arachnoïdienne accidentelle a été réalisée alors qu’aucun reflux de liquide céphalorachidien n’avait été observé.
L’intérêt de l’injection d’une dose test est actuellement controversé.
Ainsi aucune injection intravasculaire ou sous-arachnoïdienne n’a compliqué la réalisation d’une série de 1 154 anesthésies caudales, alors que seul un test d’aspiration était effectué. [6] En cas de présence de sang dans l’aiguille, celle-ci est simplement positionnée et une aspiration douce est alors répétée. Si ce dernier test est négatif, l’anesthésique est alors injecté prudemment, par paliers de 0,5 ml entre lesquels une aspiration douce est régulièrement effectuée. En cas de persistance de sang dans l’aiguille, celle-ci est alors retirée et l’anesthésie caudale est pratiquée à nouveau dans une autre zone de l’hiatus sacré.
La tachycardie induite par l’injection d’une dose test d’une solution d’anesthésique local adrénalinée au 1/200 000e est cependant inconstamment reconnue comme une injection intravasculaire. Ainsi une injection préalable d’atropine a montré son intérêt afin de potentialiser l’effet de l’adrénaline. [16] De multiples facteurs sont susceptibles de provoquer une tachycardie lors de la réalisation d’une anesthésie caudale : mobilisation de la sonde d’intubation, changement de position, allègement de l’anesthésie… De plus, les variations de la fréquence cardiaque ne permettent pas de dépister une infection sous-arachnoïdienne avant l’apparition d’effet secondaire grave.
CHOIX DE LA SOLUTION ANESTHÉSIQUE
L’extension du bloc sensitivomoteur dépend du volume d’anesthésique local injecté. [52] Aucune formule mathématique ne permet de définir le volume à administrer en fonction de l’extension souhaitée. Pour une chirurgie inguinale (c’est-à-dire un niveau sensitif situé en T10), un volume de 0,75 à 1 ml.kg–1 est conseillé. [12, 49, 54] En cas de chirurgie périnéale, un volume de 0,5 ml kg–1 semble suffire. [49]
La bupivacaïne à 0,25 % procure une analgésie d’une durée de 4 à 6 heures et permet une réduction de la consommation postopératoire d’antalgiques. [54] L’adjonction d’adrénaline au 1/200 000e allonge la durée du bloc moteur qui atteint alors 150 minutes en moyenne. [27]
La bupivacaïne à 0,125 % a montré son efficacité lorsqu’elle est administrée par voie caudale, en procurant une analgésie postopératoire comparable à celle de la bupivacaïne à 0,25 %. [54]
Cependant, la réduction de la durée du bloc moteur ainsi obtenue autorise une sortie plus précoce de la salle de surveillance postinterventionnelle. [46]
La ropivacaïne a obtenu une autorisation de mise sur le marché en pédiatrie. Elle procure un bloc sensitif comparable à celui obtenu avec la bupivacaïne avec un bloc moteur plus court et moins intense. [9] De même, les complications systémiques sont moins nombreuses avec une dépression myocardique et un potentiel arythmogène moins marqués. À doses et concentrations équivalentes, l’installation de l’anesthésie est plus rapide et sa durée plus longue lors de l’emploi de ropivacaïne. [28] La concentration minimale analgésique de la ropivacaïne par voie caudale semble se situer aux alentours de 0,13 mg ml–1, comme cela a pu être montré au cours de cures d’hypospadias sous anesthésie générale entretenue par 0,5 MAC d’enflurane. [15] Une autre étude confirme ces résultats en montrant l’inefficacité d’une solution de ropivacaïne à 1 mg.ml–1 tandis qu’une concentration de 3 mg ml–1 augmente l’intensité du bloc moteur sans pour autant prolonger l’analgésie postopératoire. [4]
L’utilisation d’adjuvants a été proposée afin de réduire les doses d’anesthésiques locaux employés ou de prolonger la durée du bloc.
La clonidine, agoniste des récepteurs a2-adrénergiques a des propriétés antalgiques par son action au niveau de la corne postérieure de la moelle. Utilisée par voie péridurale à la dose de 1 μg kg–1, elle prolonge l’effet de la bupivacaïne sans provoquer de modification cardiovasculaire, ni de sédation. [29] Cependant, l’utilisation de doses plus élevées (2 μg kg–1) entraîne une majoration de la sédation [36] et trois cas de dépression respiratoire en rapport avec l’administration de clonidine par voie caudale chez des enfants prématurés ont été cependant rapportés. [5, 20, 43]
La kétamine possède également des propriétés antalgiques en raison de son action antagoniste des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) situés également dans la corne postérieure de la moelle.
Son utilisation par voie péridurale caudale a été proposée et semble prolonger significativement la durée de l’analgésie. [21] La solution utilisée était dépourvue de conservateur. Cependant, dans deux études, aucune complication n’a été décrite malgré l’utilisation de kétamine comportant un conservateur. [11, 40] Néanmoins, on ne saurait conseiller l’utilisation des formes actuellement disponibles en France.
INDICATIONS DE L’ANESTHÉSIE CAUDALE
Les indications de l’anesthésie caudale découlent de l’extension du bloc sensitif obtenu. Le choix d’une anesthésie caudale afin d’assurer l’analgésie peropératoire au cours d’une anesthésie générale légère permet d’assurer un réveil, une analgésie et un confort postopératoire de qualité. Une extension de l’anesthésie jusqu’au niveau du métamère T10 est obtenue par l’injection d’un volume d’anesthésique local de 1 ml kg–1, ce qui autorise la plupart des gestes de chirurgie sous-ombilicale (entre autres orchidopexie, cure de hernie inguinale, circoncision, chirurgie urologique basse et chirurgie orthopédique des membres inférieurs). [53] L’auteur utilise l’association d’une anesthésie générale par inhalation et d’une anesthésie caudale pour assurer l’analgésie per- et postopératoire lors de chirurgie urologique haute (cure de syndrome de la jonction pyélo-urétérale) en administrant un volume de 1,2 ml kg–1.
L’anesthésie caudale est également proposée seule ou en association avec une anesthésie générale pour la cure de sténose du pylore, avec une réduction de la fréquence des complications postopératoires et de la durée d’hospitalisation. [39]