Accidents immunologiques de la transfusion sanguine
Anne Mercadier : Praticien hospitalier
Jacques Baudelot : Praticien hospitalier, directeur du Centre départemental de transfusion sanguine de la Seine-Saint-Denis
Hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny France
Résumé
La transfusion de produits sanguins est un acte qui impose rigueur et vigilance. En effet, les produits sanguins labiles sont des produits d’origine humaine, chacun d’entre eux provenant d’un donneur différent.
Ainsi, la transfusion de chacun d’entre eux renouvelle le risque thérapeutique. Une meilleure connaissance des fréquences, des causes, et des mécanismes des accidents immunologiques et infectieux de la transfusion, devrait permettre de mieux poser les indications et d’accroître la sécurité transfusionnelle
ACCIDENTS IMMUNOLOGIQUES
Les accidents immunologiques secondaires aux transfusions de produits sanguins sont liés à des phénomènes humoraux et/ou cellulaires. L’introduction dans l’organisme du receveur, d’antigènes (et plus exceptionnellement d’anticorps) allo-incompatibles est érythrocytaires, leuco-plaquettaires ou protéiques. Des mécanismes cellulaires sont incriminés dans la maladie du greffon contre l’hôte et dans l’immunomodulation observées chez certains receveurs de produits sanguins.
Accidents dus aux antigènes érythrocytaires
La connaissance des groupes sanguins
et la compréhension des incompatibilités érythrocytaires ont amené à établir des règles de sécurité transfusionnelle pour la prévention des accidents immunologiques. La législation impose deux déterminations de groupe sanguin ABO et Rhésus D sur deux prélèvements différents, une recherche d’agglutinines irrégulières de moins de 3 jours (dépistant les anticorps antiérythrocytaires autres que ceux du système ABO, imposant en cas de positivité la délivrance de concentrés érythrocytaires (CGR) compatibilités). De plus, un contrôle ultime au lit du malade (vérification des groupes ABO du patient et des CGR à transfuser) est obligatoire.
Le respect de la législation devrait permettre d’éviter ces accidents [35].
Antigènes érythrocytaires
Ces antigènes sont des complexes moléculaires glycoprotéiques et glycolipidiques intégrés à l’architecture de la membrane des érythrocytes. Ils sont génétiquement déterminés. Les antigènes sont capables d’induire la formation d’anticorps, et le pouvoir immunogène d’un antigène est fonction de sa capacité d’induction de l’anticorps correspondant.
Système ABO
La particularité de ce système réside dans le fait qu’il existe, en dehors de toute stimulation, des anticorps naturels anti-A et/ou anti-B à l’origine des accidents. Ces derniers sont toujours évitables, leur survenue étant due à une erreur d’identification du tube lors du prélèvement pour groupage sanguin, une erreur de destination du CGR (contrôle ultime au lit du malade non fait ou mal interprété) ou plus rarement une erreur de laboratoire et dans tous ces cas un non-respect de la législation. Ils demeurent fréquents : une statistique américaine estime l’erreur à 1 pour 12 000 produits sanguins distribués [36].
Autres systèmes érythrocytaires
Les alloantigènes sont reconnus par des anticorps spécifiques dits alloanticorps, produits chez les individus dépourvus de l’antigène considère. Ils sont génétiquement déterminés et expriment la variation génétique à l’intérieur de l’espèce. Les principaux antigènes érythrocytaires sont les antigènes D, C, c, E, E du système Rhésus, les antigènes K, k du système Kell, les antigènes Fya, Fyb du système Duffy, les antigènes M, N, S, s du système MNS, les antigènes Jka, Jkb du système Kidd, les antigènes Lua, Lub du système Lutheran…
Par ailleurs, ils existent des antigènes privés de fréquence extrêmement faible ce qui les différencie des antigènes publics décrits ci-dessus.
Anticorps antiérythrocytaires
Anticorps naturels
Ce sont des anticorps susceptibles de préexister chez les individus en dehors de toute stimulation transfusionnelle ou foetomaternelle. Ces anticorps naturels peuvent être réguliers ou irréguliers.
Les anticorps naturels sont dits ” réguliers ” quand ils existent constamment chez l’individu dépourvu de l’antigène correspondant. C’est le cas des anticorps anti-A et anti-B du système ABO qui sont toujours présents chez les individus respectivement dépourvus de l’antigène A et/ou de l’antigène B. De ce fait, seul le respect du caractère isogroupe ABO de la transfusion permet une prévention totale des accidents dans ce système.
Les anticorps naturels sont dits ” irréguliers ” lorsque leur présence est inconstante chez les individus dépourvus de l’antigène correspondant comme c’est le cas, par exemple, de l’anticorps anti-Lewis que l’on ne retrouve que chez certains individus Lewis négatifs. Certains sont ” dangereux “, essentiellement les anticorps anti-Lea et anti-Lex hémolysants, susceptibles d’induire un accident transfusionnel et nécessitent une sélection phénotypique des CGR à transfuser ; les autres, moins dangereux dans l’immédiat, peuvent cependant entraîner un raccourcissement de la durée de vie des globules rouges transfusés. D’autres anticorps naturels ” irréguliers ” :ceux des systèmes P1, M, ou N sont rarement actifs à 37 °C et sont de ce fait le plus souvent sans intérêt transfusionnel. Seule une chirurgie en hypothermie impose une sélection phénotypique des CGR.
Les anticorps publics sont des anticorps naturels ” réguliers ” particuliers. Ils sont présents en dehors de toute immunisation chez de rares sujets dépourvus d’un antigène de très haute fréquence dit ” public ” (phénotype Bombay, p, pk…) et sont dangereux car hémolysants (anti-H, anti-Tja,…).
Anticorps immuns
Ce sont des alloanticorps ” irréguliers “e tils n’apparaissent
qu’après stimulation immunologique transfusionnelle ou foetomaternelle.
L’analyse statistique des anticorps produits par allo-immunisation chez 2 209 receveurs polytransfusés par des CGR non phénotypés a permis d’étudier le pouvoir immunogène relatif des antigènes des autres systèmes érythrocytaires [48]. L’antigène Rhésus (D) a le plus fort pouvoir immunogène [24]. Suivent par ordre décroissant les antigènes des autres systèmes : K du système Kell, E et c du système Rhésus, Fya du système Duffy, Jka du système Kidd, S du système MNSs, et ceci indépendamment du nombre de transfusions.
Ces systèmes sont concernés dans plus de 70 % des cas d’allo-immunisation [32, 49]. La fréquence des anticorps immuns chez les polytransfusés varie de 1,7 % à 35 % selon les séries de malades. Elle dépend de la pathologie et du sexe. En fonction de la pathologie, un alloanticorps d’intérêt transfusionnel est retrouvé chez 34 % des patients drépanocytaires polytransfusés [55], chez 14 % des patients en bilan prétransplantation hépatique [45], chez 9,5 % des patients en bilan prétransplantation rénale [8], chez 2 % des patients opérés en chirurgie cardiaque [26]. Le rôle du sexe doit être connu : l’immunisation est 2 fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes indépendamment de la grossesse.
Mode d’action des anticorps
Le mode d’action des anticorps est variable. De nombreux facteurs entrent en jeu : le titre sérique de l’anticorps, sa classe et sa sous-classe, sa capacité à fixer le complément et des facteurs individuels mal élucidés, propres au receveur, qui font qu’un même anticorps entraîne des réactions hémolytiques extrêmement différentes d’un sujet à l’autre. Ces anticorps peuvent entraîner, après leur fixation sur les sites antigéniques de la membrane globulaire, la fixation et l’activation séquentielle des différentes fractions (C1 à C9) du complément et provoquent directement la lyse des hématies dans la circulation (hémolyse intravasculaire). Mais le plus souvent, cette fixation de l’anticorps sensibilise les hématies qui sont phagocytées par le système à phagocytes mononucléés (réticuloendothélial) et plus particulièrement celui de la rate (hémolyse extravasculaire).
Conséquences cliniques de la transfusion des CGR incompatibles
Elles sont variables, fonction de la destruction plus ou moins rapide et importante des hématies [6].
Formes cliniques graves
Les accidents hémolytiques graves sont
souvent dus à des hémolyses intravasculaires brutales et massives. Ils évoluent en trois phases.
Choc initial immédiat
Les premiers troubles peuvent être une sensation de malaise, une angoisse, des céphalées, une douleur lombaire, une sensation de constriction thoracique, un frisson ou une hyperthermie. Rapidement le pouls devient filant et une chute de la tension artérielle est observée ; des signes d’hémorragie diffuse peuvent apparaître, traduction d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). La chute de la tension artérielle et des signes d’hémorragie en nappe peuvent être les seuls signes observés chez un patient anesthésié. La survenue d’un seul de ces signes d’alerte au cours d’une transfusion impose son arrêt immédiat.
Dans les heures suivantes, apparaît l’ictère
Les urinesémises dans
l’heure qui suit sont noires, témoin de la présence d’hémoglobine libre dans le plasma.
L’haptoglobine, qui forme un complexe avec l’hémoglobine libre est entièrement utilisée et son taux plasmatique s’effondre. D’autre part, l’hypercatabolisme de l’hémoglobine va entraîner au bout de quelques heures une augmentation du taux sérique de bilirubine libre avec un ictère franc.
Au décours, apparaît l’insuffisance rénale
Après l’échec d’une tentative de diurèse forcée, peut apparaître une phase d’oligoanurie progressive de quelques jours suivie d’une anurie, fonction de l’intensité et de la durée du choc initial. Les lésions rénales découlent plus de l’ischémie rénale secondaire au collapsus cardiovasculaire et éventuellement de la CIVD que d’une toxicité directe de l’hémoglobine sur le rein. A ce stade, il est nécessaire de recourir à des séances d’épuration extrarénale. Après un délai de 2 à 3 semaines, la diurèse reprend progressivement et la guérison est habituellement observée sans séquelle.
Formes cliniques mineures
Les formes mineures doivent être systématiquement dépistées.
Elles témoignent d’une destruction moins rapide des hématies incompatibles et constituent un signe d’alarme qui doit permettre d’éviter un accident grave lors des transfusions ultérieures.
Réaction ” frisson-hyperthermie “
En fin de transfusion ou dans l’heure qui suit, une réaction de type ” frisson-hyperthermie ” peut être le témoin d’une hémolyse mineure bien qu’elle soit plus souvent due à un conflit antigène-anticorps leuco-plaquettaires. Cette réaction peut s’accompagner dans les jours suivants d’un ictère d’intensité variable avec augmentation du taux de bilirubine libre.
Hémolyse retardée
Quatre à 8 jours après la transfusion est observée une déglobulisation progressive parfois importante, et dans ce cas associée ou non à un ictère à bilirubine libre. Le mécanisme de destruction des hématies est variable.
Rarement, il peut s’agir d’anticorps passifs transmis par le donneur et la destruction concerne alors les hématies du receveur. Dans ce cas l’accident type est souvent la transfusion d’un malade A, B, ou AB par du sang de groupe O possédant des anticorps (hémolysine) anti-A, et/ou anti-B de titre élevé, de nature immune, à activité hémolytique en présence de complément.
Le plus souvent il s’agit de la destruction des hématies du donneur par la réactivation de l’anticorps du receveur déjà immunisé ; l’anticorps était à un taux faible ou indétectable avant la transfusion. Cette dernière, en apportant l’antigène incompatible correspondant, déclenche une réaction anamnestique avec une production croissante de l’anticorps en cause qui se fixe et lyse progressivement les hématies.
Transfusions inefficaces
L’hémolyse transfusionnelle peut n’entraîner aucun symptôme immédiat ou retardé. Seul le contrôle de la numération sanguine systématique montre l’inefficacité transfusionnelle. Le danger serait de la méconnaître, de poursuivre les transfusions sans faire d’examens immunohématologiques approfondis.
Stratégie thérapeutique
En fonction des résultats de la recherche d’agglutinines irrégulières, deux situations sont possibles.
Recherche d’agglutinines irrégulières positive
La connaissance d’anticorps antiérythrocytaires d’intérêt transfusionnel chez un patient à transfuser impose de demander le phénotypage érythrocytaire élargi du receveur et de sélectionner des concentrés érythrocytaires phénotypés et compatibilités avec le sérum de ce dernier. En effet, il est impératif que les globules rouges du donneur n’introduisent pas dans l’organisme l’antigène correspondant à l’alloanticorps. Ces transfusions doivent être étroitement surveillées sur le plan clinique et biologique et il faudra s’assurer de leur efficacité.
Recherche d’agglutinines irrégulières négative
Dans ce cas le receveur n’a, a priori, pas d’anticorps antiérythrocytaires. A titre préventif, les patients qui auront dans le futur des stimulations répétées devront recevoir systématiquement des CGR phénotypés. Le plus souvent il s’agit de sujets qui recevront des transfusions itératives (drépanocytaire, thalassémique….), de polytransfusés et de sujets en attente de transplantation.
Ainsi toute transfusion est potentiellement dangereuse, a fortiori si elle s’avérait inutile. Il faut toujours s’assurer du bien-fondé de la transfusion des CGR par concertation avec le clinicien.
Accidents dus aux antigènes leuco-plaquettaires
De la même façon que les érythrocytes, les globules blancs et les plaquettes peuvent être impliqués dans des incidents ou accidents immunologiques transfusionnels. Les antigènes concernés sont les antigènes leuco-plaquettaires du système du complexe majeur d’histocompatibilité (système HLA) et les antigènes spécifiques des systèmes plaquettaires et granuleux.
Accidents dus aux antigènes HLA
Après transfusion ou grossesse, un patient peut développer par allo-immunisation des anticorps contre les antigènes de classe I du complexe majeur d’histocompatibilité portés par les leucocytes et les plaquettes.
Fréquence de l’allo-immunisation anti-HLA
Elle est variable,
fonction du nombre de transfusions antérieures éventuelles, de grossesses antérieures et du sexe (les femmes s’immunisant plus volontiers que les hommes indépendamment des immunisations susceptibles de survenir lors des grossesses). Une étude [4] reprenant 33 séries de la littérature en estime la fréquence à 39 %. Les anticorps anti-HLA sont mis en évidence par la technique de lymphocytotoxicité en présence de complément. Ils sont rarement monospécifiques, souvent polyspécifiques en raison du grand polymorphisme du système HLA.
Incidents ou accidents dus aux anticorps anti-HLA
Les anticorps anti-HLA sont responsables de réaction de type frisson-hyperthermie, de transfusion de plaquettes inefficace et de syndrome de détresse respiratoire aigu.
Réaction de type ” frisson-hyperthermie “
Elle apparaît au cours ou au décours de la transfusion, comme un accès brutal de fièvre accompagnée de frissons intenses et de tremblements. Ces réactions inconfortables pour le malade, le plus souvent spontanément résolutives dans des délais variables, cèdent rapidement sous injection intraveineuse de corticoïdes. Leur fréquence est variable selon les séries, de 0,25 à 0,5 % chez les patients transfusés [9] avec une fréquence accrue de 27 à 37 % chez les sujets polytransfusés [46]. Le mécanisme intime de cette réaction fébrile est mal connu et le rôle respectif des anticorps anti-HLA et antigranuleux mal élucidé. Son existence impose une recherche d’anticorps anti-HLA lymphocytotoxiques. La prévention de ces réactions est possible par l’inclusion des patients déjà immunisés dans des protocoles transfusionnels utilisant des produits sanguins déleucocytés [50].
Etat ” réfractaire ” à la transfusion de plaquettes
L’immunisation anti-HLA peut être responsable d’un état ” réfractaire “, la transfusion de concentrés plaquettaires se révélant alors inefficace. L’origine de cet état réfractaire est la destruction des plaquettes par des anticorps anti-HLA reconnaissant les antigènes HLA de classe I à la surface des plaquettes. La situation est plus fréquente en hématologie où les sujets sont transfusés fréquemment en concentrés plaquettaires (aplasies, greffes de moelle, hémopathies malignes
et chroniques, anémies aplastiques…).
Chaque fois que cela est possible, il est indispensable de prévenir chez de tels patients l’allo-immunisation anti-HLA [50] par la mise en place systématique de protocoles transfusionnels utilisant des produits sanguins déleucocytés [47, 54]. Dans le cas ou l’immunisation est déjà présente, deux stratégies sont actuellement possibles.
Situation rare, la spécificité des anticorps anti-HLA est limitée ; il peut être proposé la transfusion de concentré unitaire de plaquettes déleucocyté provenant d’un seul donneur (ceci limite le nombre d’antigènes HLA transmis), éventuellement phénotypé (le donneur ne possède pas les antigènes HLA correspondant aux anticorps du patient) et compatibilité avec le sérum du patient.
Situation plus fréquente, la spécificité des anticorps anti-HLA est large, dirigée contre de nombreux antigènes HLA ; il peut être proposé d’augmenter et de fractionner l’apport journalier des concentrés plaquettaires déleucocytés, permettant d’obtenir un effet hémostatique malgré un rendement plaquettaire médiocre.
Syndrome de détresse respiratoire aigu
La survenue d’un oedème pulmonaire non cardiogénique au décours de l’utilisation de dérivés sanguins est possible. Une réaction ” frisson-hyperthermie ” intense est associée à de la transfusion de plasma frais congelé contenant l’anticorps responsable [12]. Ces anticorps lymphocytotoxiques, dirigés contre les antigènes du système HLA sont capables d’agglutiner les polynucléaires porteurs de ces spécificités. Des techniques de lymphocytotoxicité, de micro-granulo-agglutination et d’immunofluorescence indirecte sur des lymphocytes et des polynucléaires de phénotype connu permettent de mettre en évidence la réalité de l’immunisation et la responsabilité de l’anticorps en cause.
Accidents dus aux antigènes plaquettaires
En dehors des antigènes du système ABO et du système HLA, il existe à la surface des plaquettes des antigènes spécifiquement plaquettaires regroupés dans le système HPA ou ” human platelet antigens “.
Antigènes spécifiques plaquettaires du système HPA
Les principaux antigènes plaquettaires sont actuellement bien caractérisés et classés dans six groupes (de HPA-1 à HPA-6).
Le système HPA-1 correspond au premier système décrit (ancien nom : PLA ou Zw) et comprend deux allèles HPA-1a et HPA-1b de fréquences génomiques respectives 85 % et 15 % chez les sujets de race blanche.
Le système HPA-2 (ancien nom : Ko) est constitué de deux allèles HPA-2a et HPA- 2b. L’antigène HPA-2a est très fréquent (99,3 %) chez les sujets de race blanche.
Le système HPA-3 (ancien nom : Bak, Lek) est constitué de deux allèles HPA-3a et HPA-3b. La fréquence de l’antigène HPA-3a est de 87 %.
Le système HPA-4 (ancien nom : Pen, Yuk) est constitué de deux allèles HPA-4a et HPA-4b. L’antigène HPA-4 serait la cause la plus fréquente d’allo-immunisation antiplaquettaire chez les Asiatiques.
Les systèmes HPA-5 et HPA-6 sont de découverte plus récente.
Anticorps spécifiques antiplaquettaires
Les anticorps antiplaquettaires sont recherchés par des techniques ELISA, MAIPA (” monoclonal antibody immobilization of platelet antigens “) et de cytométrie de flux. Ces alloanticorps antiplaquettaires sont dirigés contre les cinq groupes antigéniques plaquettaires : HPA-1a, HPA-2a, HPA-3a, HPA-3b, HPA-4a, HPA-5b. Ces anticorps peuvent être à l’origine d’états réfractaires aux transfusions de plaquettes, identiques à ceux décrits précédemment (seule la spécificité de l’anticorps diffère). Ils peuvent être aussi à l’origine de purpura post-transfusionnel thrombocytopénique. Dans ce dernier cas, les anticorps anti-HPA-1a sont le plus souvent en cause et des concentrés de plaquettes d’aphérèse (plaquettes de donneur unique phénotypées, compatibles dans les systèmes plaquettaires) seront utilisés.
Purpura post-transfusionnel thrombocytopénique
Clinique
Le purpura post-transfusionnel thrombocytopénique est:
caractérisé par une thrombopénie aiguë souvent sévère survenant 5 à 10 jours après une transfusion (le plus souvent d’un CGR), associée à un syndrome d’hémorragie cutanéomuqueuse. Le receveur est le plus souvent de sexe féminin, préalablement immunisé par des transfusions ou des grossesses.
La thrombopénie est souvent majeure (< 10 000 plaquettes/ml). Les transfusions de plaquettes non phénotypées sont très mal tolérées, aggravant la thrombopénie ; la transfusion de concentré unitaire de plaquettes phénotypées peut même se révéler inefficace à la phase aiguë. Le traitement est l’injection d’immunoglobulines intraveineuses à la dose quotidienne de 0,4 g·kg-1 pendant 5 jours, parfois associée à des échanges plasmatiques. L’évolution est souvent favorable, mais des décès par hémorragie intracérébrale peuvent survenir dans 5 à 10 % des cas.
Mécanisme
Il demeure mal expliqué. En effet, comment l’alloanticorps du receveur peut-il détruire ses propres plaquettes, ces dernières ne possédant pas l’antigène contre lequel l’anticorps est dirigé ? Deux explications ont été proposées.
Les alloantigènes dans la circulation formeraient des complexes antigènesanticorps qui se fixeraient à la surface des plaquettes du sujet et provoqueraient leur destruction.
Un auto-anticorps dirigé contre les plaquettes du sujet serait produit en même temps que l’alloanticorps et expliquerait la destruction de ses propres plaquettes.
Accidents dus aux antigènes granuleux
La forme clinique des accidents immunologiques dus aux granuleux est le syndrome de détresse respiratoire aigu, identique cliniquement à celui décrit précédemment avec les anticorps anti-HLA. La physiopathologie de tels accidents fait intervenir ces anticorps dans la formation d’agrégats leucocytaires au niveau des alvéoles pulmonaires [34]. Les insuffisances respiratoires aiguës post-transfusionnelles, d’après les cas décrits dans la littérature [29], sont soit rapidement mortelles soit résolutives en quelques jours. Les anticorps responsables sont dirigés contre les systèmes antigéniques spécifiques des granuleux, capables d’agglutiner les polynucléaires porteurs de ces spécificités et mis en évidence par des tests de granuloagglutination et des tests à l’antiglobuline sur des polynucléaires de phénotype connu. Ils permettent de mettre en évidence la réalité de l’immunisation et la responsabilité de l’anticorps en cause.
Accidents dus aux antigènes protéiques
L’existence de variations allotypiques au niveau des protéines plasmatiques explique l’apparition chez des sujets polytransfusés d’une allo-immunisation contre divers constituants protéiques du plasma. Cette situation peu fréquente concerne essentiellement l’immunisation contre les immunoglobulines et les facteurs de la coagulation.
Immunisation contre les immunoglobulines
Elle concerne le plus souvent les immunoglobulines IgG et IgA. Immunisation anti-IgG
La recherche systématique des anticorps anti-Gm et anti-Km se révèle très souvent positive chez les sujets polytransfusés mais est sans conséquence clinique.
Immunisation anti-IgA
En revanche, l’existence d’anticorps anti-IgAchez les receveurs peut entraîner des troubles graves après transfusion de produits sanguins labiles
ou injection d’immunoglobulines.Les accidents sont de type anaphylactique, allant de la forme bénigne avec érythème cutané et sensation de malaise à la forme grave avec oedème laryngé et collapsus cardiovasculaire.
Les examens immunologiques mettent en évidence des anticorps anti-IgA, présents le plus souvent chez des sujets porteurs d’un déficit isolé en IgA dont la fréquence est estimée à 1/700. Ces anticorps sont parfois retrouvés chez des sujets ayant un taux normal d’IgA, l’anticorps étant alors dirigé contre un allotype particulier (A2m).
Immunisation contre les facteurs de la coagulation
Cette immunisation bien connue dans certaines maladies auto-immunes
s’observe également par immunisation de sujets polytransfusés porteurs d’un déficit constitutionnel en un facteur de la coagulation. Ces inhibiteurs de la coagulation ont été décrits pour différents facteurs (I, V, IX, XI..), mais les inhibiteurs du facteur VIII sont les plus fréquents et posent les problèmes thérapeutiques les plus graves. Ces alloanticorps anti- VIII inhibent complètement l’activité du facteur VIIIc exogène d’une manière linéaire et dose dépendante. Ils apparaissent chez les hémophiles majeurs traités par du facteur VIII humain en moyenne dans 15 % des cas, et par du facteur VIII recombinant dans 25 % des cas. L’apparition de ces anticorps constitue une complication redoutable et pose de graves problèmes thérapeutiques. En cas d’immunisation faible, il est possible de restaurer l’activité plasmatique du facteur VIII déficient en saturant l’anticorps par l’apport de doses massives de facteur VIII. Dans le cas d’un anticoagulant puissant, l’attitude thérapeutique consiste à court-circuiter l’effet anticoagulant au moyen de facteur VIII porcin ou des concentrés de complexe prothrombinique ou de facteur VIIa (sous forme activée).
Maladie du greffon contre l’hôte
La maladie du greffon contre l’hôte
(” Graft versus host ” ou GVH) est une complication rare de la transfusion. Les lymphocytes T viables, présents dans les produits sanguins transfusés, peuvent se ” greffer ” chez le receveur et provoquer la réaction du greffon contre l’hôte. Décrite le plus souvent chez des patients immunodéprimés dans les suites d’une greffe de moelle osseuse allogénique, la maladie du greffon contre l’hôte a également été décrite chez des patients immunocompétents. Dans ce dernier cas les donneurs étaient apparentés, partageant avec le receveur une similitude au niveau d’un locus HLA ou mieux au niveau d’un haplotype [52]. De ce fait, les lymphocytes T du donneur, parfaitement tolérés par le receveur reconnaissent comme étrangers les tissus de l’hôte [40]. Dans les produits sanguins, l’élimination des lymphocytes T responsables de cette réaction du greffon contre l’hôte, est donc une nécessité absolue chez les sujets immunodéprimés et lors de transfusions entre sujets apparentés en raison de la gravité de la maladie du greffon contre l’hôte, la mortalité étant de l’ordre de 70 %. L’irradiation des produits sanguins à transfuser (1 500 à 2 500 grays) qui entraîne la mort des lymphocytes T (attestée par la négativité de la culture mixte lymphocytaire) est la technique la plus sûre dans la prévention de la maladie du greffon contre l’hôte, même si la dose d’irradiation reste discutée [3]. En effet, la déleucocytation des produits sanguins par filtration (99 à 99,9 % des globules blancs sont éliminés) ne permet pas d’assurer avec certitude la prévention de la maladie du greffon contre l’hôte.
Immunomodulation
De nombreuses études ont montré que:
la transfusion pouvait avoir des effets immunomodulateurs.
Dès 1973, Opelz et Terazaki [42, 43] montraient le caractère bénéfique des transfusions sur la survie des greffons rénaux. Deux autres aspects de l’immunomodulation transfusionnelle ont été étudiés : la fréquence des infections bactériennes postopératoires et celle des rechutes chez les patients opérés en cancérologie. De nombreuses études prospectives ont montré une fréquence plus importante d’infections postopératoires chez les patients transfusés en chirurgie digestive [31], cardiovasculaire [38] et orthopédique [53]. Des études récentes ont montré une diminution des infections postopératoires chez des patients non transfusés, des patients transfusés avec des produits sanguins autologues [19, 53], et des patients transfusés avec des produits sanguins déleucocytés [30]. Les leucocytes semblent en être les principaux responsables par l’apport d’antigènes d’histocompatibilité étrangers qu’ils réalisent [30].
En cancérologie, l’influence des transfusions sur la fréquence des rechutes a été étudiée et les études sont beaucoup plus contradictoires [41]. Chung [13] a repris 20 publications de 1982 à 1990 concernant 5 236 malades opérés en cancérologie et montre la difficulté de répondre de façon univoque à cette question, en comparant les patients transfusés et non transfusés. Si ces études se confirmaient, elles conduiraient à modifier les stratégies transfusionnelles pour tous les types de chirurgie, y compris carcinologique, en développant la transfusion allogénique déleucocytée et la transfusion autologue chaque fois qu’elle est réalisable.